Le futur de la pub au Press Club

8 heures du matin, il fait froid et je grelotte pendant que j’accélère le pas pour me rendre à l’heure rue Jean Goujon, au Salon du Press Club.

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J’ai les yeux larmoyants et l’impression qu’un camion m’a roulé sur le dos, mais pour rien au monde je ne raterais ce petit déjeuner-débat. Le sujet est très prometteur et cette invitation tombe pile poil au bon moment.

Le Press Club est un magnifique hôtel particulier, lieu de référence de journalistes et décideurs,

mais ce qui retient mon attention ce n’est ni l’architecture Napoléon III, ni les superbes salles de conférence. Je n’ai des yeux que pour le buffet où, parmi croissants, petits pains au chocolat et d’autres gâteries, trône l’objet de ma convoitise : un bon café brûlant. Je l’avale d’un trait pour me réchauffer. Maudite grippe, ce n’était vraiment pas le moment !

Une centaine de personnes sont déjà assises dans la salle. Carnet et stylo à la main, ils ont les yeux rivés sur la longue table montée sur l’estrade et attendent sagement que les intervenants prennent place. Je parcours la liste des invités : ils représentent des agences de Pub, des Annonceurs, des Médias et des Associations.

Olivier Gibert et Julien Armilhon, les deux organisateurs de ce débat qui a pour titre « QUEL AVENIR POUR LA PUB ? », sont étudiants à la Sorbonne. Ils font partie de la génération qui se soucie des mouvements de société et qui cherche des réponses. Ils sont les premiers à avoir réagi ouvertement aux contestations de la pub en réunissant tout ce beau monde pour comprendre le présent et envisager le futur.

Les invités d’honneur s’installent. Je reconnais Vincent Leclabart, patron depuis plus de vingt ans d’Australie. Belle agence, beaux budgets, bonne création et grosse marge. Ses campagnes, créatives et innovantes, savent renifler les tendances et proposer un point de vue différent. Je lui tire virtuellement mon chapeau.

Pas loin, siègent Pascal Manry, talentueux directeur de la création de la J.W.Thompson et Christian Blachas. Si, si, lui vous le connaissez. Vous l’avez sûrement vu à la TV. Qui ne s’est pas amusé à regarder, au moins une fois, les pub drôles et étonnantes de « Culture Pub » ? Le grand gourou, celui qui a créé et animée l’émission pendant plus de huit ans, c’est lui. Nous, les professionnels, on le connaît surtout pour CB News, l’évangile hebdomadaire du bon publicitaire.

Petit à petit, je mets un nom sur les autres intervenants : Nicolas Arpagian, Membre du conseil d’administration du Press Club de France, Jean-Marc Lech, Coprésident d’Ipsos, spécialiste des sondages et de l’opinion publique et Thomas Guéret, Président du RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire). Tiens, un antipub en chair et en os ! Je m’attarde sur ce dernier. Ça ressemble à quoi le président d’un mouvement antipub ? Thomas Guéret n’a absolument rien d’un rebelle subversif et encore moins d’un excité de la bombe à « taguer ». Derrière ses lunettes qui lui donnent un petit air intello, ses yeux clairs sont doux et paisibles.

Pas loin de « l’opposant » siège Gérard Noël, le tout puissant Vice-Président Directeur Général de l’UDA. Mâchoire volitive et chevelure argentée, il me fait penser à un président américain ou plutôt à un cow-boys de légende. Ça y est, j’ai trouvé, c’est John Wayne, version costard-cravatte. Cette idée me rassure : John Wayne a incarné le héro sans peurs ni reproches ou le pionnier courageux. Le courage et l’esprit visionnaire des pionniers c’est tout à fait ce qu’il faut pour comprendre et adhérer au JSP.

Je continue mon travelling pour m’arrêter sur la seule femme de l’assemblée : Marie-Jeanne Husset, Directrice de la Rédaction de 60 millions de Consommateurs. Elle a un regard honnête et ouvert qui me plaît bien.

Le débat commence. Tout d’abord le constat : La publicité est en crise. Le consommateur a quitté sa condition de réceptacle béat et béant et pose un regard plus aiguisé, plus méfiant sur la pub…

Les intervenants cherchent les raisons de cette méfiance, ils évoquent les nombreux scandales d’entreprises, le poids d’une société d’hyper consommation et la forte médiatisation des mouvements de contestation antipub. Thomas Gueret en profite pour soulever le problème des panneaux illégaux.

Puis les commentaires s’enchaînent, les intervenants prennent la parole les uns après les autres, avec l’aisance des gens habitués aux conférences. On aborde l’attitude des Annonceurs qui, devenus prudents, n’osent plus se lancer dans des voies créatives audacieuses. Ce manque de transgression conduit à la régression. On aborde l’évolution et l’individualisation des jeunes générations élevées aux jeux vidéos et tournées vers Internet. On parle de l’intrusion du discours publicitaire dans tous les milieux de la vie. On découvre « les moi multiples », on apprend que « ménage » ne se décline plus qu’au pluriel et qu’infidélité ne rime plus avec culpabilisation.

Tout le monde s’exprime, prononce des jolies phrases, fait des remarques intelligentes, défend son « fief » et analyse aisément la situation. Ensuite c’est au public de poser des questions. Un Annonceur pense que la communication a un besoin vitale d’un cadre clair et se demande s’il ne faut pas mettre en place une auto-réglementation. Le registre « responsable » revient plusieurs fois. On se demande s’il faut limiter la quantité et on parle des actions des antipub qui ont traumatisé les médias affichage.

Comment regagner une confiance perdue ? Quelle sera la publicité du XXIe siècle ?

On constate, on débat, on disserte, on réfléchit, on se pose les bonnes questions, mais on ne propose aucune solution. Si le bilan final confirme que je suis dans le vrai, la conclusion me laisse sur ma faim. C’est bien tout ça, et maintenant, on fait quoi ?

Avant de partir, je me fraye un passage pour approcher Christian Blachas qui, visiblement pressé, essaye d’enfiler son manteau pour s’échapper du groupe de fans qui l’encerclent. Il y a un an, je lui avais envoyé mon bouquin qui était encore en gestation. Il avait eu des réflexions très pointues et m’avait donné des conseils avertis. Il y a deux semaines, je lui ai fait parvenir mon projet JSP, mais je n’ai pas encore eu de retour. Je le poursuis jusqu’à la porte pour le relancer. Mais il me précède, en me lançant rapidement : « Caroline de Bodinat, une journaliste de CB, vous contactera pour un portrait. » Qui ? C’est quoi un portrait ? Pourquoi ? J’avale les questions que je n’ai pas eu le temps de lui poser. Il est déjà parti, plus vite que le vent.

J’approche Thomas Gueret. L’avis d’un antipub m’intéresse beaucoup. Ma démarche l’étonne, mais il n’a la moindre hésitation. Il griffonne ses coordonnés sur un papier. Malgré son emploi du temps très chargé, il va trouver un créneau pour me rencontrer. Qui a dit que les antipub ne sont pas ouverts au dialogue ?

Puis, je vais à la rencontre de Vincent Leclabart. C’est lui qui a lancé l’enquête «Publicité et Société», celle qui a fait trembler le monde de la pub. Il peut comprendre ma démarche et me donner des conseils utiles pour faire évoluer mon projet. Son accueil est amical. Ce monsieur m’intrigue de plus en plus. Comment a-t-il pu monter si haut ? Il me semble droit, modeste et il n’a rien d’un requin. Es-ce que, dans notre profession, l’intégrité et le talent seraient payants? Il me demande de lui envoyer le dossier et me tend une feuille avec sa photo et ses coordonnés. Je manque de lui demander un autographe.

Je rejoins enfin M. Noël, l’homme clef de l’UDA, l’association sans quoi rien ne se fera. Le Jour Sans Pub le fait sursauter. Il doit sûrement me prendre pour un antipub. Il me dévisage avec méfiance, mais il finit par me donner ses coordonnés.

Je voudrais aussi parler à Jean-Marc Lech et Marie-Jeanne Husset, mais c’est trop tard. Les gens se dispersent rapidement, appelés à leurs fonctions habituelles.

Si ce débat ne m’a pas apporté de véritables réponses, j’ai eu des contacts intéressants. Des gens qui réflechissent aux attentes de la société ne pourront que m’aider à améliorer le JSP et à aller plus loin.

En partant, je pense aux deux phrases qui m’ont frappé. Celle de Marie-Jeanne Husset que je trouve parfaitement en harmonie avec mon projet.

Si dans une démocratie le premier mot appartient au citoyen, dans une économie de marché, le dernier mot revient au consommateur

Et celle de Vincent Leclabart : La publicité, comme la société, est en crise. Mais il faut prendre crise au sens de changement.

Dois-je en déduire que quelque chose va enfin bouger et qu’on prépare enfin le futur de la pub ? Parce que, comme dit un vieux proverbe français : Mieux vaut agir que discourir. Et comme dirait ma mère  » Mieux vaut rester couchée que sortir ». Elle fait référence à ma grippe, évidemment.

POST-IT : Bonne nouvelle ! Un Annonceur c’est promené dans notre blogosphère, a été emballé par le projet et voudrait y participer. Vous voyez, les Annonceurs visionnaires, courageux, généreux et ouverts au dialogue, oui, ça existe !

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9 réflexions au sujet de “Le futur de la pub au Press Club”

  1. C’est indéniable, le futur bouge…
    Le marché bouge, la pub bouge, les gens bougent et la machine roule comme sur des roulettes!
    Et nous dans tout ça, est ce que l’on bouge vraiment ou sommes-nous agités par cette machine qui s’emballe et à laquelle on tente de réagir en s’adaptant ou en résistant ?

    Ce qui est ironique dans le combat concernant la pub, c’est qu’on focalise toute notre énergie à vouloir la changer, voire à l’éradiquer, comme si il s’agissait de la racine de toutes les mauvaises herbes (surconsumérisme, mode de vie standardisé, pollution de notre environnement mental, etc.) qui pourrissent notre vie. En fait, on fait cela pour s’évite de se remettre soi même en question, on désigne tout simplement un coupable virtuel, une entité intelligente artificielle qui tient en trois petites lettres.

    On croit faire bouger la pub en la montrant du doigt et en disant "regardez, elle nous prends pour des cons et elle le fait bien".
    Non, pour moi bouger les choses ce n’est pas juger en s’opposant à un système, mais faire l’effort de considérer les acteurs de ce secteur problématique comme des êtres humains, tous capables de changer comme n’importe quel autre être humain.
    Il faut que nous soyons plus adultes et responsable entre nous, qu’on arrête de tourner autour du pot (pub) pour aller enfin vers l’essentiel : toucher les individus, aider à comprendre nos erreurs, montrer qu’on est pas seul à vouloir un monde plein d’espérance.

    La mauvaise pub n’est pas la cause de notre manque de fraternité et de notre inertie, elle en n’est que la conséquence. Alors changeons et la pub changera.

    Il n’y a pas d’utopie quand on la pense ensemble.

  2. Bonjour, je me présente : je suis étudiante en communication à l’Iscom de Lyon et consommatrice. Je suis d’accord, toutes les fautes ne sont pas imputables à la pub. C’est facile de la rendre responsables de toutes nos faiblesses. Nous achetons des choses dont nous n’avons pas besoin parce que nous croyons acheter le bonheur ou un mode vie. C’est la pub qui nous le renvoit ? Certainement, mais personne ne nous oblige. Nous sommes adultes et responsables, nous n’avons qu’à assumer. Par contre, la pub à sens unique n’est plus adaptée à notre manière d’être. Les cultures ne sont pas éternellement figées. Enfin, ces professionnels qui réfléchissent sont sûrement très intelligents, mais peu courageux. Ils devraient parler moins et agir davantage. Pourquoi s’enferment-ils dans leur cercle et ne s’ouvrent pas aux consommateurs ? Pourquoi n’interviennent-ils jamais dans cette espace d’échange en se rapprochant de nous ? Je comprends votre difficulté à monter cet événement. Vous essayez de communiquer avec des sourds muets.

  3. Ce qui est amusant au final est que la publicité est une facette émergée et polarisante de la communication… mais en aucun cas la seule.
    Créer ou modeler l’agenda médiatique, souffler le bon sujet au bon journaliste, séduire le bon relais d’opinion, cultiver un réseau sont autant de facettes de la communication qui sont masquées par la publicité. Ces ‘merveilleuses’ réclames font oublier des outils de communication aujourd’hui maîtrisés par toutes les entreprises (il suffit de regarder Danone surfer sur le prix nobel…), tous les hommes politiques ou toute ONG (nous pourrons bientôt sourire en voyant l’Unicef, le théléton, la croix rouge et consorts s’écharper pour préempter le domaine caritatif pré-Noël).

    Pour les communiquants, la pub est donc une merveille, elle les fait oublier !

  4. Babette, je trouve votre projet vraiment génial: original, intelligent, bien ficelé, et surtout avec un véritable objectif de faire évoluer les choses dans une société paralysée par l’immobilisme. Mais le Jour Sans Pub ne pourra se faire que si les annonceurs adhèrent véritablement au projet et comprennent qu’ils ont tout à y gagner. Les consommateurs, en attente de dialogue et d’interactivité avec leurs marques préférées, ne pourront que rendre hommage aux annonceurs qui auront eu le courage de soutenir le JSP et de s’engager pour une publicité responsable.
    Bravo à cet annonceur mystère et courageux qui soutient le JSP. Nous attendons les suivants avec impatience!

  5. Bonjour Abdel,
    il est indeniable que le consommateur rejette l’individualisme forcené de la consommation traditionnelle et a besoin d’être écouté avant d’acheter.
    Donc, pour moi, le futur sera basé sur le dialogue, l’écoute et l’interaction.
    L’achat deviendra un achat de sens. Les Marques prendront une attitude citoyenne et éthique et s’ouvriront au consommateur pour installer l’echange.
    La communication sera multi-facettes, interactive et à 360°.
    Le consommateur sera consommacteur.
    On oubliera typologies et statistiques rigides et le mass marketing fera place à l’individu. Le marketing devra intégrer de nouvelles données et devenir participatif et pluriel.
    Jusqu’où peut-on aller ? A vous de le dire, puisque le futur c’est vous.
    N’hésitez pas à vous exprimer dans blogstorming et à donner vos suggestions.

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