Un grand parfum de poubelles signé État Libre d’orange x Ogilvy Paris

Ça devait arriver. À force d’entendre les louanges de la récup, du recyclage, du compost et du fumier, la beauté a fini par s’approprier les ordures : État Libre d’Orange lance « I AM TRASH, LES FLEURS DU DECHET », le premier parfum né de « l’upcycling », autrement dit des poubelles… de la parfumerie.

 

 

Parfums d’irrévérence

Depuis 2006, Etat Libre d’Orange nous a habitué à son approche irrévérencieuse du parfum. Sa signature « la liberté a son parfum », sa cocarde façon « sans-culottes », son flacon toujours identique et ses noms de produit : tout dans cette marque mêle expérience sensorielle et décalage « drôlement » cérébral… Ce n’est pas pour me déplaire. Pourtant, entre « Fat Electrician » et « Charogne », mon coeur balance. Et je ferais sans doute mieux de les essayer avant de m’emballer… Après tout, ce sont de vrais parfums. Composés par des nez. Et plutôt très raffinés.

Un parfum de niche par excellence

Une fois n’est pas coutume, le parfumeur derrière « I am Trash » est une parfumeuse. Daniela Andrier de Givaudan a acquis ses lettres de noblesse auprès des « usual suspects » de la mode, de Calvin Klein à Gucci et de Prada à Marni. Elle a même signé l’avant-gardiste « Untitled » de Martin Margiela. C’est dire que, bien qu’archétype parfait du « parfum de niche », ce nouveau jus a été composé dans les règles de l’art. Sans se lancer dans la description pro de la pyramide olfactive, Daniela Andrier dit avoir recherché le « parfum d’une terre fertile » avec de la fraise et… des ingrédients naturels recyclés !

Les déchets à fleur de peau ?

Ce concept inédit et provocateur avait été annoncé en Avril dernier par une vidéo extra-ordinaire et littéralement au ras des pâquerettes. L’idée? Des déchets de fleurs et de fruits renaissent aussi fleurs et fruits… Senteurs! En littéraire frustrée, le thème poétique de la nature toujours renouvelée m’avait émue, bien sur. Mon oeil, lui, avait été séduit par la référence aux grands maîtres de la nature morte et leurs aliments en voie de putréfaction. Quant à mon côté écolo, la très responsable chasse anti-gaspi de matières premières l’avait gentiment flatté. Mais qu’en serait-il de mon nez, de ma peau, de ma trace olfactive? Si le film était sensationnel – et a fait le buzz – ses vers de terre pouvaient aussi faire froid dans le dos. Et « Les Fleurs du Déchet » semblaient plutôt moins sexy que « Les Fleurs du Mal ». À « I am trash » qui, au figuré aussi, signifie « je suis une ordure », il convenait de donner un sens plus « propre »… à la marque.

Un collage ludique, mais patrimonial

Tout aussi créative et décalée, la campagne de lancement qui vient de sortir est bien moins naturaliste. Elle part de tout ce qui fait « I am trash » pour en donner une lecture ludique, graphique et unique.
Des notions d’art, de composition du jus, et de recyclage au collage, il n’y avait qu’un pas. Et Ogilvy Paris l’a franchi avec succès, en un détournement artistique du sacro-saint patrimoine de marque! Puisant dans les archives d’État Libre d’Orange, l’équipe créative menée par Juana O’Gorman et Béatrice Lassailly-Ramel a donné une seconde vie à ses posters… en les traitant comme des déchets! Déchirés, découpés, juxtaposés, collés au petit bonheur la chance, ces restes de campagne passées sont, comme les ingrédients du parfum, recyclés. Centrés autour d’un flacon de parfum joliment malmené, ces bribes d’histoire renaissent en six nouveaux visuels print et gif.

Espièglerie créative

À la fois ludiques et évocatrices d’un « bénéfice » parfum, ces affiches intriguent et font sourire. Arriveront-elles à secouer la communication, parfois molle, du « soft luxe »? Peut-être pas. Mais elles proposent une alternative espiègle aux campagnes dont le produit est le héros. Impactantes pour un coût infime, elles font aussi un gentil pied de nez aux affiches parfum qui mettent en scène mannequins et stars. Bref, elles ne risquent pas de passer inaperçues au milieu du flot incessant d’images et de produits.

 

 

Sans jamais chercher à se comparer aux Goliath d’un secteur où un produit est lancé par jour, État Libre d’Orange fait entendre sa voix et sa différence. Et si sa collaboration étroite avec Ogilvy (et Givaudan) fleure bon la traque aux Lions et aux Fifi Awards, on ne peut que s’en réjouir. J’en connais même qui enragent de ne pas avoir fait cette campagne. Ou plutôt, j’en connais une. Vous savez qui.

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