Guerrilla métropolitaine

Ne vous méprenez pas, je ne suis ni une repentie ni une militante. La pub c’est ma profession et ma passion. Mais je pense que ce métier qu’on appelle «communication» n’a plus aucun sens si on est pas sensible aux changements de la société et si on n’écoute pas les gens à qui on parle.

Mais qui m’a entraînée dans cette aventure ? Je me suis entraînée toute seule en emportant bien d’autres avec moi.

 

Tout a commencé début 2003, quand un fait divers a attiré mon attention : quelques groupes de jeunes, exaspérés par l’invasion de la pub, se lancent à l’assaut des affiches pour reconquérir de l’espace public Vous connaissez sûrement l’histoire : Affiches et logos barbouillés, pubs détournées ou taguées, slogans recouverts d’anti-slogans : La pub nuit à votre santé ! Libérons nos espaces publics… Ce fait m’interpelle, mais sans trop me troubler. Le rejet de l’idéologie publicitaire par quelques utopistes ne date pas d’hier. Les dissidents ont toujours existé. Déjà dans les années trente, Leavis, un critique littéraire anglais, avait lancé une croisade contre l’abrutissement pratiqué par les médias et la publicité.

À la fin des années soixante, un groupe pop, Carpe Diem, chantait la publiphobie.
Et le subvertising, contraction de subversion et advertising (publicité), est né à San Francisco, il y a 20 ans. Je considère cet événement comme l’expression minoritaire de quelques groupuscules marginaux et j’oublie aussitôt.

Peu après, dans le métro, plusieurs affiches publicitaires sont décorées d’autocollants portant l’inscription Marre de la pub ! Ensuite ce sont entre 200 ou 300 personnes qui descendent dans le métro pour barbouiller et détourner un millier de publicités dans 100 stations. Les actions commando se poursuivent et prennent de l’ampleur. Intermittents, enseignants, chômeurs, chercheurs, personnel de santé, archéologues, précaires, fonctionnaires, étudiants, architectes… engagent une action peinture noire sur les panneaux pour protester contre la réforme de l’assurance-chômage.

Ce parfum de révolte se répand rapidement. À partir du 17 octobre 2003, les opérations éparses et commises de manière spontanée, deviennent un véritable mouvement organisé.

Le 28 novembre 2003, un millier de militants déclenchent une opération d’envergure dans sept stations du métro parisien : ‘STOP PUB DANS LE METRO’. Graffitis, affiches arrachées, bombées, déchirées, barbouillées ou couvertes d’autres slogans. Les forces de l’ordre interviennent afin d’empêcher les manifestants de dégrader les affiches.

Un véritable choc pour moi. Certes, tout le monde a le droit de s’exprimer. Et toute critique sur la pub peut contribuer à la faire évoluer. Condamner ses dérives me semble aussi légitime. Mais de là à en arriver à rejeter tout en bloc et à faire des actes de vandalisme…

Je commence à me poser des questions et je cherche des réponses, mais personne semble donner d’importance à ces événements. Moi, je veux comprendre.
Le thème récurrent de ces mouvements c’est la « réappropriation » de l’espace public. Mais contre quoi se battent-ils les antipub? Contre l’overdose de la pub ou contre ses abus ? Contre les panneaux illégaux ou contre les panneaux tout court ? Contre la dévastation écologique de la planète ou celle de la matière grise ? Contre la restriction de l’espace individuel ou contre la mondialisation? Et qui sont-ils ? Des taguers pacifistes, des verts écologistes, des rebelles anarchistes, des bobos de l’Est parisien, des étudiants activistes ou bien des anti-mondialistes ? Et qui tire les ficelles ?

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3 réflexions au sujet de “Guerrilla métropolitaine”

  1. Personnellement je perçois le combat anti-publicitaire essentiellement comme le fil qu’on tire sur tapisserie, comme un angle d’attaque pour mettre le système social/politique/économique face à ses contradictions et le remettre en cause jusqu’à ses fondements (le capitalisme, qu’il soit libéral ou socialiste, et la soit-disant démocratie).

    À ce titre j’estime que l’opération Le jour sans pub, surtout si elle est organisée par les publicitaires eulles-mêmes, ne fait que retarder les prises de conscience en rendant le système *apparamment* plus acceptable. De la même façon on a institué la journée sans voiture, la journée des femmes, la journée des peuples autochtones, etc. ce qui n’aboutit qu’à vider ces luttes de leur sens, à les mettre dans des "réserves". D’ailleurs je crois personnellement que ce genre d’opération n’est pas un projet idéaliste comme on le soutient sur la page d’accueil de ce site, mais une simple nécessité pour permettre au système (et à ceulles qui en profitent) de gagner un peu de temps face à une crise structurelle qui ne fait que s’aggraver.

  2. Le petit fil que vous tirez sur la tapisserie me dit que vous faites partie des antipub. Soit, mais pourquoi une action positive comme le JSP, qui apporterait des vraies réponses aux attentes des gens, au lieu de vous réjouir, vous dérange ? Parce que si le consommateur est satisfait, n’aura pas de « prise de conscience » ? Mais au fond, ce qui compte vraiment ce n’est pas de répondre aux besoins des Français ? Oui, je sais, il y a votre idéologie, vous combattez le système à la racine et cela vous pousse à la révolte. Mais combien de consommateurs ont envie de plonger dans cette bataille ? Ils ne voudraient pas, tout simplement, être pris en considération en tant qu’êtres humains et voir de la pub plus respectueuse, plus à l’écoute, plus en résonance avec ce qu’ils sont ?
    Vous avez raison, une journée « sans n’importe quoi » ne suffit pas à changer la nature profonde des problèmes. Sauf si ce jour est accompagné d’engagements de la part de ceux qui peuvent changer les choses.
    Et pour finir, vous avez bien raison, ce n’est pas le JSP qui est un projet idéaliste comme le disent certains (voir réactions sur le blog de Loïc Le Meur), le vrai projet idéaliste est de croire de pouvoir détruire pour de bon et à plus jamais le grand méchant système. Mais vous connaissez mon opinion sur les idéalistes…

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