C’est la rentrée, Joe la Pompe a rendu sa copie

La copie copiée, est-elle hommage ou truandage ? Joe la Pompe, l’expert cagoulé, farouche et sans pitié, répertorie depuis plus de 15 ans, les plagiats les plus flagrants, il ne s’érige ni en juge ni en critique.IMG_3280

Pompés. C’est là le triste sort des créatifs qui ont sorti des campagnes originales et intelligentes et qui les ont vues copiées, pillées, adaptées, volées en un mot. D’ailleurs, le mot « copie » est trouble, c’est à la fois la « copy » (créa, texte, concept) et aussi le plagiat, forcément éhonté.
Joe la Pompe voit, constate, démontre. Pourfendeur With No Face (à part de jolis yeux bleus et un soupçon de bouc blond), le lessiveur du copié-collé, publie son 3e opus : Copy Paste, ce qui veut dire « copié collé ».bouquinEt il faut le voir pour le croire, tout ce qu’il nous révèle sur des campagnes reprises trois, quatre, cinq fois voire plus, sans vergogne, d’un pays à l’autre, c’est in-croya-ble-ment cynique, malhonnête, crade, dégueu, même si c’est bien fait. D’aucuns argueront de la pensée universelle, des courants qui traversent nos capteurs culturels, et même du désir de surfer sur une tendance, l’actualité, la mode, du genre de truc qui va bien. On voit les mêmes films, on lit les mêmes livres, on regarde les mêmes pubs, la belle excuse.

Une chose est claire dans Copy Paste de Joe la Pompe, on ne copie pas de la merde. « La chemise de ton mari est plus blanche que la chemise du mien », ce n’est pas une pompe, c’est du small talk en direct de Desperate Housewives. En revanche, une campagne de LEG de 2002 pour Eurostar (p. 064), le summum du chic créatif français, qui se retrouve en 2007 en Germanie, c’est de la pure pompe. C’est de la créativité top niveau à bon compte, dont les annonces partent direct vers des jurys pub en vue de recevoir des Awards, et là, le Joe, il fume de rage. Il ne supporte pas du tout. Il devient tout rouge sous sa cagoule, boum, il fait un bouquin et pas moins de 618 campagnes pour 247 concepts, se retrouvent dénoncées dans Copy Paste.copy_paste_header

Justement, prenons le contrepied de la pompe et imaginons le mega complot qui consisterait pour un annonceur ou un network à refiler sa créa à d’autres filiales voire d’autres networks. Why not ? Il paraît qu’il n’y a pas de honte à copier une bonne idée, du moment qu’elle vient du même réseau. Joe la pompe a prévu cela. Cela n’est pas de la pompe mon enfant, c’est un accord, des compensations financières sont prévues.

Le plus bel exemple, la campagne Wifi-Frites de McDo. Deux agences (p.174) l’ont refaite à leur sauce barbecue pour le même annonceur : DDB Sydney et TBWA Madrid, pas des mauvais quand même. Chaque filiale négocie un gentleman’s agreement et plus si affinités (comme on dit chez Les Entremetteurs) aux fins de reproduire le bon miam créatif. Pierre Gauthronet (ex DC de McDo chez TBWA) qui n’a pas donné un seul petit spermatozoïde d’idée sur cette campagne, affirme : « … l’annonce, donc l’idée, appartient à l’annonceur ». Mais pas aux créas car le créa signe son contrat avec cette clause bien connue, « Ta créa t’appartient pas, sur tes droits d’auteur tu t’assiéras ».

A cet égard, Copy Paste, le livre, comprend une mise au point sur la propriété artistique, très claire et très intéressante, une interview de Maître Marrache, avocate, par Joe himself.. (p.215). Dès lors, le créa se venge, car parfois, le créa est fourbe, ni vu ni connu, je t’embrouille, puisque je ne suis pas payé pour mon idée, je vais en prendre une gratuite. Les annonceurs ne sont pas en reste, ni les agences, qui décident, exigent, soutiennent le plagiat avec soupesage juridique. Je le sais, je l’ai fait.

Qui copie qui ? Un peu tout le monde au hasard des nécessités. La preuve, cette annonce pour Mitsubichi Rally pondue par DDB Argentine (p.128) et reprise sans foi ni loi par Young & Rubicam Paris en 2003, un ghost paru dans un obscur magazine, couronné par un Lion à Cannes et réalisé par un super team hyper pro et successfull, what the fuck ?, et encore resservie, un peu froide par BBDO Bolivie en 2007. C’est bien foutu, j’avais rien remarqué, mais maintenant que tu le dis, Joe, oui, il y a comme un air de famille. Mais la pub est une grande famille, non ? Si on ne peut plus s’aider entre cousins où allons-nous ?

Les Français pompent-ils ? Oui, Madame, on est au pays du French Lover. Les Français sont-il pompés ? Oui Monsieur, on est au pays de Philippe Michel et de Séguéla, à tout seigneur tout honneur. Pêle-mêle et parce que je n’ai pas envie de finir sous une cagoule, Marcel, Rosa Parks, Young & Rubicam Paris, Toy for Les Décoratives, Agence V, Grey Paris, Callegari Berville, LEG, BETC, Publicis, TBWA, M&C Saatchi GAD, Ogilvy & Mather, Saatchi & Saatchi Paris, Léo Burnett Paris, Fred & Farid, Bates, se sont donné du plaisir en pompant comme des Shaddocks et ont dû être fumasses de se voir rendre la pareille sans hommage ni copyright. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, celle que notre Hercule Poirot de la pub a repérée avec ses petits yeux musclés, dans les database des jurys sollicités pour récompenser les yeux fermés.

Copy Paste, suscite mille questions : Quid des coïncidences ?  Et si certains symboles, n’étaient que des agrégats de notre mémoire aussi sélective que collective ? Le WTC est désormais plus constitutif de New York que la statue de la Liberté (éclairant le monde). Warhol le plus représentatif de l’art contemporain. La tour Eiffel est parisienne, le Manneken Pis pisse, Napoléon 1er est universel, les touristes chinois, russes ou japonais vous le confirmeront. Mais si je demande trop d’infos, on va me soupçonner d’espionnite aigüe. Alors, partez à la découverte de Copy Paste, cette encyclopédie, ouvrage de référence à vous dégoûter de vous présenter au casting de Super Pompman.

Et n’oubliez pas : c’est tout de même chez nous que Clémenceau aurait prononcé l’oraison funèbre, jamais égalée, de Félix Faure (décédé en galante compagnie) : « Il se voulait César, il a fini Pompée ».

Bonus : La préface de Mark Tungate, directeur éditorial des Epica Awards – L’avertissement au lecteur –  « La face cachée », une interview de Joe la Pompe par Jérôme Rudoni – Le schéma de la pompe – L’index des campagnes monozygotes, entrées par titres. Le tout en tête de gondole et en anglais et français.
En wagon de queue et dans les mêmes langues : Publicité et plagiat – Le lexique – L’index entrées par agences et marques. Ah ! Il ne s’est pas foutu de notre gueule Joe LP !
par Olivia Van Hoegarden

Copy Paste
Editions Maison Moderne
233 pages 43,09 € sur Fnac.fr
Sortie le 1er septembre 2016
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2 réflexions au sujet de “C’est la rentrée, Joe la Pompe a rendu sa copie”

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