La grande aventure des tournages de pub

Vous trouvez que la publicité c’est du cinéma ? Vous n’êtes pas loin de la vérité. Car pour débarquer sur vos écrans, petits ou grands et vous distraire -ou vous pomper l’air, au choix-, avec des promos de lessive, de yaourt, de voitures, de grandes causes et autres cosmétiques, il faut en passer par une maison de production. Oui, parfaitement, comme pour un long métrage. Le petit monde de la com sait tout cela mais pas forcément le grand public. Alors, un homme, un producteur, l’un des plus respectés de la profession, prend la parole. Jacques Arnaud raconte sa pub avec un livre témoignage « Filmer des spots de pub, un métier aventureux«  aux éditions L’Harmattan.  Fondateur de la célèbre Franco-American qui a couvert 40 ans de films publicitaires avec l’aide de réalisateurs chevronnés comme Raymond Depardon, Jean-Jacques Annaud, Luc Besson, les frères Scott ou Jean Becker, Jacques Arnaud a parcouru le monde et donné forme à plus d’un rêve.

C’est pas la MGM

Produire et tourner un film publicitaire, ce n’est pas une sinécure. Car on ne réalise pas « Autant en emporte le vent » ou « Hôtel du Nord« , on n’est pas David O’Selznick, ni Warner ni Goldwyn, mais on prend des risques financiers, physiques, humains. Et on ne choisit pas vraiment son scénario. Non, on se le fait imposer par une bande de malfrats qu’on appelle les créatifs d’agence. Des gens aff-reux, ma pauvre dame, qui ne voyagent qu’en business, ne dorment que dans des 5 étoiles, se laissent inviter dans les meilleurs restaurants, réclament du champagne frappé à tout bout de champ et se font véhiculer dans des limousines avec chauffeurs. En plus, ils sont exigeants, caractériels, ne cèdent sur rien. Ils tiennent leurs storyboards en bandoulière comme une mémé liftée des beaux quartiers s’accroche à son sac Hermès. A leur décharge, ils ont un couteau dans les reins : ce qui a été acté par leur agence et leur client car ils sont garants du résultat final. Chacun sa merde.

Patron de PME, c’est du boulot

Mais Jacques Arnaud est un pro et un dur à cuire sous sa légendaire mèche de cheveux et ses manières d’homme du monde. Ceux qui le connaissent en témoigneront : il ne laisse rien au hasard, il est sur le plateau avant tout le monde, le quitte le dernier. Il jongle avec les autorisations de tournage, les passeports, les billets d’avion, les repérages, les dresseurs de vautours, les directeurs de casting, les caprices des comédiens et les pudeurs de Sophia Loren. On n’a quasiment jamais vu Jacques Arnaud perdre son sang-froid si ce n’est quand il voit qu’on gâche de la pellicule. Le 35 mm, ça coûtait cher avant la vidéo. Il convenait de couper entre chaque prise. Ce n’était pas du goût de certains réalisateurs qui aimaient lâcher les acteurs en boucle jusqu’à obtenir la bonne tonalité. Jacques Arnaud aime à préciser qu’il dirige une entreprise, petite mais travailleuse, et tient à la faire fructifier. Parfois, il donne de sa personne quand il s’agit de maîtriser un lion ou de câliner un requin ou plus dangereux encore, faire sourire un bébé, héros d’une pub de couche-culotte. Tout ça en costard cravate. L’homme est diplômé d’HEC, businessman avant tout .

Toute entreprise est une aventure

Chaque production est une aventure, si brève soit-elle (un tournage publicitaire dure rarement plus de 8 jours) mais regroupe toutes les contraintes afférentes au cinéma. Sauf que dans ce cas de figure, ça recommence plusieurs fois par semaine et qu’il faut à chaque séquence s’adapter aux demandes des commanditaires.

Jacques Arnaud ne crache pas dans la soupe, même si elle est parfois un peu âcre et trouble, et reconnaît avoir avalé pas mal de couleuvres. Il lui est même arrivé de se coucher ou de baisser son froc, mais assume ses petites lâchetés quand il sait que ça en vaut la peine. Néanmoins, il dispose de sa réserve de venin, ceux qu’il n’aime pas se reconnaîtront.

« Filmer des spots de pub, un métier aventureux » regorge d’anecdotes sur les tournages que Jacques Arnaud a supervisés avec son compagnon d’arme Serge Fournier et les nombreux prestataires qui ont fait équipe avec eux. L’ouvrage démontre que peu importe l’objectif d’un métier que l’on juge futile ou bassement commercial, le professionnalisme et l’exigence priment en tout. « Si vous acceptez d’écraser une puce avec un bazooka, faites le jusqu’au bout », pourrait être la devise des producteurs de films publicitaires.

Au final, un livre distrayant, instructif, qui permet aux profanes de pénétrer l’étrange monde de la publicité raconté par le seul producteur qui ait obtenu un César pour un spot publicitaire : le film Hertz réalisé en 1984 par Jean-Jacques Annaud pour l’agence BDDP. Depuis, la catégorie a disparu des écrans… radar. On le regrette.

http://www.culturepub.fr/videos/hertz-la-panne/

D’Adjani à Zidane, Jacques Arnaud a fait tourner les plus grosses têtes sans se prendre le melon. C’est assez rare pour être souligné dans ce petit univers, follement créatif et sympathique par ailleurs, où les égos sont exacerbés et où les idées et l’esthétisme se joignent pour constituer un art à part entière.


Jacques Arnaud

« Filmer des spots de pub, un métier aventureux » de Jacques Arnaud Collection Graveurs de mémoires aux édition L’Harmattan http://www.editions-harmattan.fr 337 pages 36 € Sorti en septembre 2015

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