Milka : une campagne très, trop carrée ?

 

 

 

 Par Ivan FerretCatchphraseOn ne tarit déjà plus d’éloges sur la nouvelle campagne Milka. Amorcée par l’agence Buzzman et mise en application hier, elle semble déjà avoir recueilli les lauriers d’un monde publicitaire enthousiaste et enthousiasmé pour son intelligence et son caractère humain et participatif. Pour la petite information (et pour les retardataires), le principe de l’opération est somme toutes plutôt limpide : supprimer un carré de la tablette pour proposer au consommateur de l’envoyer à un proche, répondant à l’adage du « meilleur pour la fin ». Il faut « oser la tendresse« , comme dit Milka.

DesktopL’idée est mignonnette, certes.. Mais est-elle pour autant viable ? La symbolique du geste prendra-t-elle une ampleur suffisante pour faire oublier la réalité : celle de l’envoi de 4 petits grammes de chocolat lambda ?

Fille

N’en déplaise aux vétérans et adeptes de la clever marketing strategy, j’y retrouve de nombreux éléments qui m’inhibent dans la contemplation de ce chef d’oeuvre. Explications :

1. En froid avec le big data

M&M’S, Coca-Cola, Nutella, Milka : autant d’enseignes alimentaires qui saupoudrent leurs campagnes de communication avec des concepts novateurs et attirants : la personnalisation, l’attention, l’identification. Mais, à trop les écouter, ne risque-t-on pas de se faire sucrer ? Car, derrière l’emballage lisse et vendeur ne se cacherait-il pas le mastodonte alimentaire diabétique de données consommateurs ?

Chose rassurante ou presque, Milka a cogité sur ce fait, et inscrit sur ses emballages des conditions d’usage des données personnelles tout à fait bienséantes (pour recevoir le dernier carré, encore faut-il donner l’adresse postale de son ami). La suppression des données n’aura lieu qu’en fin d’opération, à savoir le 17 février 2014 : de quoi, entre temps, traiter goulûment  des informations globales avant de se débarrasser des noms, prénoms et adresses.

 2. Milka au service de sa communication 

Outre ces considérations aux allures de Big Brother, Milka mériterait d’être considéré comme un cas d’école, témoin de son temps. D’un temps où la consommation a besoin d’être alimentée par la communication pour perdurer. D’un temps où il semblerait que la communication ait pris le pas sur la denrée, témoin secondaire de son écrasante suprématie. La communication devient fin, le produit un moyen. Il se retrouve modelé, distordu et emprisonné dans l’identité d’une marque qui choisit de ne pas vieillir, et dont la stratégie sur le long terme inquiète.

Au vu de toutes les innovations et surtout associations de saveurs que Milka a engrangé ces dernières années (Tuc, Daim, Oreo, Eggs… Lapins : le comble), une question subsiste : se vouloir toujours dans l’ère du temps et de l’innovation,n’est-ce pas le risque de devenir une marque victime de son manque d’identité ?

3. Un carré de moins, un carré de plus

L’idée de supprimer un carré ne s’est pas faite aisément, et parce que le poids total de la tablette n’a pas changé, force est de constater qu’il a fallu revisiter la tablette… dans son intégralité. À l’instar des 15 millions de tablettes nouvelle génération qui verront le jour en France et outre-Rhin, il y a nécessité de recréer un moule de fabrication des carrés « à l’unité » que Milka s’apprête à distribuer aux addicts. Il faut planifier les envois de carrés, s’accoutumer des conditions météorologiques régionales propices à l’envoi (pas au- dessous de 25°C). J’en passe et des meilleures ; un tohu-bohu d’actions pour un petit carré empreint d’idéaux de générosité et de partage.

Autant d’éléments qui, entre démesure économique et fine stratégie publicitaire, ne me permettent pas de statuer sur le bien fondé de cette campagne. Mais dont le concept fait, sans doute apparent, pâlir d’envie tout chasseur d’idées… et moi le premier.

Par Ivan Ferret

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18 réflexions au sujet de “Milka : une campagne très, trop carrée ?”

  1. Tu n’as pas tort, mais ce n’est pas pour ça que tu as raison. Je ne suis pas d’accord sur ta critique du big Data : on ne peut pas se plaindre d’utiliser des ficelles marketing et travailler dans la pub. Et se renouveler et se mettre au pas avec les temps, peut être un signe de dynamisme de la marque qui regarde en avant. Moi, j’aime bien cette campagne et le chocolat Milka.

    • Bonjour Carlomagno !
      Peut-être ma plus grosse erreur se situe-t-elle ici : j’aime cette campagne. Cependant, je trouvais qu’elle méritait d’être analysée d’un point de vue différent et plus critique. Au vu du flux de positivité qui en émane sur la Toile, j’ai simplement choisi un angle plus incisif pour interpeller davantage. Et réinséré l’idée du Big Data comme une information qu’il ne fallait pas oublier, et évidemment à utiliser dans toute campagne de grande ampleur qui se respecte ! Par ailleurs, concernant les innovations incessantes de la marque, il ne s’agit là que d’un avis purement subjectif dans le fait de dire qu’il y a un risque de perdre identitaire. Mais il a le mérite d’exister et d’être critiqué : c’est là tout l’intérêt !

  2. Une stratégie publicitaire qui bouscule la marque jusqu’à lui faire changer le produit, je trouve ça très fort. Ils doivent avoir des commerciaux béton, chez Buzzman. Et envoyer une tablette avec un carré en moins revient moins cher qu’envoyer une vache à tous les blogueurs, Olivia.

  3. Un article bien écrit et un regard différent parmi l’avalanche de commentaires positifs. Dommage qu’Ivan démolit tout sans préciser qu’il est admiratif devant la campagne. Ca aurait été plus intéressant de faire le diable et l’avocat du diable.

    • Bonjour Serena,
      Comme expliqué précédemment à Carlomagno, j’ai souhaité jouer sur le côté incisif pour, peut-être, dénoter plus franchement des autres articles existants. Peut-être trop.. Parce que oui, j’aime cette campagne, son culot, sa symbolique, et rien ne m’aurait plus fait plaisir d’en être l’instigateur 🙂

      • Bonjour Ivan, j’aime ce que tu dis. Tu vois, j »aurais aimé que ton article soit dur et malin comme tu l’as fait, mais ça aurait été plus crédible si tu avais terminé sur les mots que tu viens de dire pour rendre hommage à cette belle idée. Sinon ça fait un peu la provoc’ pour la provoc’.

        • Hello tous les deux !

          Il est vrai que cette campagne est méritante cela étant dit, je trouve qu’il y a une ressemblance beaucoup trop importante avec l’idée de partage lancée par Coca-Cola dans sa dernière campagne !
          Au final, cette opé n’est elle pas juste un dérivé de celle de Coca ?
          Enlever un bout de chocolat pour l’envoyer, couper une canette en deux pour la partager, ça se touche ? Qu’en dites-vous ?

          Raphaël

          • Hello Raphaël !

            Je suis d’accord avec toi, il y a beaucoup de ressemblances ! Les deux jouent sur les contenants en conservant l’idée mythique du goût à l’intérieur. Buzzman a cependant travaillé sur ce projet depuis une vingtaine de mois maintenant, pas sûr qu’ils aient eu connaissance du projet de Coca-Cola et qu’ils s’en soient inspirés ! Les grands esprits se rencontrent, dirons-nous 😉
            (Par contre, ceux qui arrivent d’ici quelques mois… Aux oubliettes !)

            Une question reste en suspens selon moi : effet de mode ou nouveau système de consommation pérenne ?

  4. ce n’est pas l’opé du siècle, c’est une opé sympathique, originale, qui marque cette rentrée et qui sera chassée par une autre dans quelques jours ou semaines. Aujourd’hui les buzz se succèdent et se ressemblent ou pas. Le microcosme des « publicitaires » s’en amusent et commentent. Quand au consommateur… Ivan, il en dit quoi le consommateur ? il achètera plus de chocolat Milka ? il le recommandera à ses proches ? parce qu’au final, il s’agit bien pour Milka de fourrer toujours plus de carrés de choco dans la bouche des conso.
    Moi je préfère les allo de Nabilla et les gnangnan style de Psy 😉 (au fait, c’était qui l’agence derrière ces buzz ?)

    • Bonjour petitplanner ! Je suis parfaitement d’accord avec toi : les buzz se succèdent, parfois se ressemblent, parfois ne se comprennent pas mais marchent, parfois ont tout d’un buzz mais n’en deviennent pas un pour autant… C’est aussi sa magie !
      Concernant les retombées public : est-ce que tu ne penses pas que c’est encore un petit peu précipité pour avoir l’avis conso ? Nous sommes dans l’émulation des premiers jours, la surprise pour les non-initiés, et les tweets au sujet de #Milka et de #Lederniercarré restent encore plus ou moins centrés « Market/Strat ». Je pense qu’il faudra attendre encore un petit peu avant de pouvoir faire une analyse un petit peu plus complète et pertinente sur les retombées grand public ! Qu’en dis-tu ? D’autant plus que, à l’inverse de Nabilla et PSY comme tu le soulignes, nous n’avons peut-être pas cette rétrospection qui nous ferait dire : « Et si je ne m’intéressais pas à la pub, est-ce que j’aurais trouvé ça super ? Est-ce que j’en aurais beaucoup entendu parler ? » Parce que nous restons tout de même hyper publicentrés, et ce qui pourrait nous marquer nous, risquerait de n’avoir que peu de résultat sur une personne « non-initiée » 🙂

    • Ma pensée en quelques mots : je suis parfaitement d’accord avec Ivan sur le BIG DATA, mais, en tant que créative, je ne peut qu’applaudir Buzzman. L’idée est originale et l’agence surfe intelligemment sur la mouvance en exploitant le marketing personnalisé, actuellement très « tendence » (M&M’s, Nutella et Coca) en y rajoutant des codes forts comme la proximité, le privilège (édition limitée), le double partage (partage du chocolat et du spot). Et pouvoir convaincre l’annonceur à modifier sa chaîne de production industrielle pour mettre en place l’opération. .. Chapeau ! En tout cas, plus de 20 000 vues en 24 heures sans avoir payé aucun médias, c’est génial…Si son but c’est le buzz, c’est réussi. Après, bien evidemment, il faudra du récul pour quantifier le succès commercial.

  5. « Ah les vaches ! » me suis-je exclamé à la lecture du texte d’Ivan puis des commentaires qu’il a suscité. Pauvres ruminantes transformatrices de graminées épanouies en produits lactés commercialisables ! Pour elles, cela va de mal en pis depuis des décennies sans qu’elles ne perçoivent de royalties pour contribution à l’engraissement de ceux qui exploitent leur image !
    Depuis la « Margorite », complice des pérégrinations d’un Fernandel évadé, on en a vu de toutes les couleurs (jusqu’au mauve !), des « sérieuses » déboulonnées par d’autres « qui rient », etc.
    Mais que fait donc la SPA ? Ne devrait-elle pas protester contre cet esclavage de la race bovine ?
    Cela dit, ma dernière mésaventure due à cette récente pub mérite d’être contée ici à titre d’exemple à ne pas suivre :
    Comptant beaucoup de proches (bien qu’éloignés pour certains) invités à offrir leurs derniers « 4 grammes », j’en ai reçu des tonnes ; ou plutôt quelques kilos. Bien que faisant partie d’un dernier carré de résistants à la tentation du péché de gourmandise, j’ai capitulé face à la générosité exprimée. Ce qui a eu pour conséquence de bloquer mon transit digestif final.
    Aujourd’hui, je demande réparation. Que ces mêmes proches m’adressent chacun une dragée dont la marque de deux syllabes commence par un F et fait sa propre pub à la télé ! Il y va de ma survie…

  6. La suite : Georges Mohammed Cherif se félicite que le dernier carré de Milka soit « l’idée la mieux payée à ce jour ». Une idée en or qui se déploie en Allemagne, plus gros pays Milka. En trois semaines, la campagne a généré 300 000 visites sur le site et 65 000 demandes d’envoi du dernier carré. 45% des personnes ont choisi d’envoyer le morceau manquant … à eux mêmes ! Le film a généré 1,8 million de vues, 80 000 partages sur les réseaux sociaux, soit 1 million d’euros d’earned media. L’opération a généré 500 articles dans 30 pays.

  7. 1er mars 2014, j’attends toujours mon carré manquant…alors moi, de mon côté je leur offre les tablettes que je n’achèterai plus… 🙂

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