Plume d’agence : les directeurs artistiques savent écrire.

Il n’y a que onze personnes qui peuvent surprendre davantage qu’un publicitaire : onze publicitaires.

Méfiez-vous des publicitaires qui dorment.

Je confirme : les Directeurs Artistiques  savent écrire. Et les Concepteurs Rédacteurs savent aller au-delà des dix lignes. Une découverte qui va jeter un pavé dans la mare de la pub et bouleverser les idées reçues.

Chef de pub ou Directeur Générale, Planneur Strate ou commercial, ils savent tremper leur plume dans le miel ou dans le fiel et délayer leurs idées dans l’imagination pour noircir des pages entières.

Qui a réveillé les talents de la com ? C’est Alain Murcia, en prononçant une formule magique : « Prix Plume d’agence », trois mots après lesquels tout le monde dans la pub s’est tapé sur la tête en se demandant pourquoi personne n’y avait pensé avant.
Alain m’a raconté qu’un jour il a eu un flash sur son vélo. Le lendemain, il lançait le concours. Voilà un président d’agence qui ne perd pas les pédales.

Pour la première fois, certains publicitaires pourront mettre leur nom devant un titre.

C’était mardi, à la Société des Gens de Lettres, devant le regard amusé de Victor Hugo & Company et sous les applaudissements d’une centaine de personnes, que les trois gagnants et les huit lauréats ont reçu leur récompense. Avec un petit gonflage d’Ego au passage. Parce qu’il faut bien reconnaître que c’est frustrant d’être publicitaire ! On a beau inventer des slogans accrocheurs ou trouver des idées décapantes, on reste toujours dans l’anonymat. Si je vous dis : «C’est quoi cette bouteille de lait ?» vous connaissez la phrase, la marque, parfois l’agence. Certains peuvent même attribuer la paternité à ceux qui on détourné la pub [2], mais qui connaît le nom de celui qui a conçu l’original ?

Onze nouvelles c’est beaucoup et pourtant si peu.

Comme tout bon jury qui se respecte, nous avons tous lu et relu chaque nouvelle et nous nous sommes tapé dessus pour défendre avec les ongles et les dents nos préférées. Je dois vous avouer qu’en tant que jury de Plume d’agence, j’ai eu du mal à faire ma short liste. Onze nouvelles c’est beaucoup et pourtant si peu quand on plonge dans des histoires épaulées par des idées fortes et des formulations ensorcelantes.

Alain Asbire, écrivain connu et reconnu et Président de la Société des gens de Lettres a orchestré le débat. Mais, comme tout le monde sait, seul 100% des gagnants ont gagné. Chacun a donc versé sa petite larme sur un absent. La mienne sera pour « Le cortège« .

Et si le métro était aussi dangereux que le train ?

Le 1er prix a été décerné à Rodolphe Marcotte, directeur de stratégie et de création chez Reflexinteractive pour « Rose 31 ». Sans discussions ni crêpage de chignon. Cette nouvelle, on ne la lit pas. On la dévore. L’intrigue est admirablement orchestrée, rythmée, racontée. L’auteur nous plonge dans un monde sans lumière, l’univers de Marie, une aveugle qui arpente le métro parisien à la recherche d’un homme parfumé à la rose. On se laisse transporter jusqu’à retenir sa respiration dès que son nez respire un parfum de rose. On frissonne dès qu’elle entend un crissement de pas sur le caoutchouc du métro. La tension monte en crescendo. Marie est-elle en danger ? Une chose est certaine. Si, dans « Le crime de l’Orient-Express » Hercule Poirot disait : « Le train est aussi dangereux que le paquebot », après avoir lu Rose 31, on pourra dire « Le métro est aussi dangereux que le train. Et le paquebot. »

À chaque clic, une claque.

C’est Marc Desmazières, directeur de la création chez Hakuhodo France, qui a remporté Le Prix de l’Originalité pour « Trente-six poses jetables ». Et pour cause ! Marc a inventé la nouvelle « clic claque ». À chaque clic, une claque. Trente-six photos où souvent les vraies images sont derrière les images. Des tableaux en trompe l’œil, très loin des images clichés. Des émotions à regarder et à garder quand la boucle est bouclée. Et qu’on est prêt à repartir à zéro. Ou à continuer. 38-38A. Parce que, malgré la mâchoire serrée du témoin, la pellicule de la vie réserve bien d’autres poses.

Prix Spécial du Jury pour Pierre Delobel, un concepteur-rédacteur extra-terrestre, qui, sourire en fermeture éclair, creuse des trous qui montent vers le ciel. Il paraît que c’est une tradition familiale. Pour lui les mots sont des wagons ou des boîtes transportant les cadeaux du cœur. Ca doit être pour ça qu’on les reçoit avec tant de plaisir. « Mon père est un Shadock ». Un titre drôle pour une drôle d’histoire. D’un coup on a envie de connaître sa mère !

« Mère de glace », toutes les mères comprendront.

Sûrement pas celle dont nous parle Catherine Delaby, conceptrice rédactrice free-lance. Celle-là elle est de glace. Surtout face à une Charlotte, pas du tout à la fraise. Comment parler à un petit bout de femme qui est aussi un gros bébé ? À une ado, qui a besoin de démolir pour reconstruire ? Surtout quand un témoin muet s’en mêle en renvoyant ou en déformant chaque image.

Et que dire de ce regard drôle et décalé sur la vie à deux de « Morituri te salutant » ? Ou de l’inattendu clin d’œil de «Last Story » ?
Et du plaisir provoqué par « De l’autre côté », « Maria », « Last story », «Serviteur Fidèle », «L’Enveloppe rouge » « J’en ai marre, c’est long ». Je pourrais vous dire de tas de choses sur chaque nouvelle. Et sur son auteur. Mais je vous laisse le plaisir de les découvrir.

Comme dit notre maître de cérémonie : « Bon vent à toutes ces belles plumes ». J’ajouterai « Et aux plumes à venir ». Parce qu’on remettra ça

l’année prochaine. Histoire de donner un coup de starter à tous ceux qui ont le talent de Frédéric Beigbeder, mais pas son relationnel.

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18 réflexions au sujet de “Plume d’agence : les directeurs artistiques savent écrire.”

  1. Ils ont du talent, nombre d’entre eux ont du talent …. en doutions nous vraiment ?
    Il est vrai que faire de cette rumeur un fait et une évidence amène à poser des questions qu’on aurait peut-être préféré laisser dans l’ombre, à ré-orienter le regard là où cela nous dérange sans doute ….

  2. Excellente idée et très mauvaise communication.
    Où a-t-on diffusé la nouvelle de ce prix ?
    Je lis la presse pro et je n’étais pas au courant.
    Les agence non plus n’ont pas été alertées.
    Oups, un concours pour le communicants mal communiqué.

  3. Merci Babette pour ce très beau texte ! Et encore bravo aux lauréats.

    Désolé pour tous ceux qui n’ont pas eu vent de cette première édition (une première édition mérite toujours des améliorations !). J’en profite donc pour annoncer que la deuxième édition est lancée. Tous les renseignements vous attendent sur le site http://www.prixplumedagence.com

    Que les plus belles plumes se fassent connaître !

  4. Pas d’accord, madame Elizabeth. Victor Hugo a l’air ravi de recevoir ces deux invités qui sont, tous les deux, ravissants. En dehors des commentaires "people", je tenais à féliciter tous ceux qui se sont farci nos nouvelles et ceux qui nous ont donné la possibilité de tenter notre chance. Je n’ai pas gagné cette année, mais je suis prêt à recommencer. Vive le prix Plume d’agence !

  5. Pour répondre à Martial et Méridien, je précise que le Jury de la première édition était présidé par Alain Absire, écrivain et Président de la Société des Gens de Lettres, et composé de Babette "ici présente !", Sophie Baillon (CB News), Georges Flipo (écrivain), Nicolas Vidal (BSC News), "Joe la Pompe" et moi-même (Directeur de création de l’agence il était une marque). L’idée était de mêler des professionnels de la littérature et de la communication…
    Nous attendons vos inscriptions pour la 2e édition sur http://www.prixplumedagence.com
    A bientôt !

  6. Aucun doute, le Prix plume d’agence va prendre comme la mayonnaise. Et comme le bon vin, je m’attends à ce que chaque millésime soit meilleur que le précédent.
    Surtout si Babette s’implique comme cette année.

    A l’année prochaine donc.

  7. Ce prix signifie que chaque année nous allons avoir une fournée de publicitaires-écrivains. Lol !
    Je reconnais que certains ont du talent (Babette Auvray-Pagnozzi, Séguèla, Frédéric Beikbeider…) Mais je suis contre PAR PRINCIPE.
    Ils étaient déjà partout, mais on ne connaissait pas leur nom.
    Maintenant ils vont être même à côté du lit, sur le chevet de chez moi…
    Avec leur nom sur la couve. ^^^

  8. Un jury de taille. Votre bouquin, Pubelle, m’a enchanté, Babette. Alain Asbire, c’est un monsieur reconnu par le milieu. Et j’avais beaucoup aimé "Le Vertige des auteurs" de Georges Flipo. Si je me rappelle bien, lui aussi avait été découvert grâce à un concours. Excellent choix aussi pour les autres membres. Je suis publicitaire, je ne sais pas écrire, mais j’adore lire et je pense que ce concours est une excellente idée.

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