Sao Paulo : une ville sans pub

Des étoiles entre les toiles d’araignée.

sao paulo

 

Savez-vous pourquoi Galilée pouvait voir les étoiles 100 fois plus clairement que n’importe quel homme débout sur le sommet de l’Empire State Building ? Avait-t-il un œil de lynx ? La Force était avec lui ? Ou c’est à cause de sa patrie qui regorge de miracles ? C’est bien plus simple que ça. A cette époque il n’y avait pas de pollution.

Et puisqu’aujourd’hui, tout est pollué : l’air, l’eau, les oreilles et les yeux, Monsieur Gilberto Kassab, le maire de São Paulo a décidé de s’attaquer à la pollution la plus visible : la pollution visuelle. Et il n’y a pas été avec le dos de la cuillère. Désormais la quatrième plus grande métropole du Brésil est devenue « Lei Cidade Limpa« , la ville propre, c’est à dire la première ville sans pub. A part, bien évidemment, celles où règne un régime totalitaire.

Interdiction totale de publicité extérieure. Partout. Sur les panneaux d’affichage, sur les écrans, sur les poteaux de signalisation, sur les flancs et les culs de bus. Bannies aussi les enseignes et les publicités sur les taxis, exit les ballons publicitaires et les banderoles traînées par des avions. Prohibée la distribution de tracts.

La ville, déshabillée à la hâte de ses 15.000 panneaux d’affichage, ressemble à un paysage de science fiction, avec ses gigantesques toiles d’araignées qui se dessinent dans ciel. Plus de fesses moulées dans des jeans glamour ni de voitures luisantes ou de portables dernier cri. Désormais le regard s’accroche sur de grands cadres géométriques, tristes vestiges de la « fut » madame pub.

Les écologistes ainsi que les antipub, les urbanistes et les architectes se frottent les mains. Certains, comme l’éditorialiste de l’hebdomadaire Veja, Roberto Pompeu, trouvent même que c’est « une victoire exceptionnelle de l’intérêt public sur l’intérêt privé, de l’ordre sur le désordre, de l’esthétique sur la laideur, de la propreté sur l’ordure ».

En tout cas, la plupart des citoyens semblent redécouvrir l’architecture de São Paulo et leurs réactions sont largement favorables. Faut dire que les afficheurs l’ont bien mérité. La majorité des panneaux extérieurs étaient illégaux. Et tant pis si les afficheurs réglos sont devenus les boucs émissaires !

Les intellos pestent contre cette loi radicale qui est une entrave à la liberté d’expression. D’autres pensent que ce ne sera pas sans conséquences économiques. On prive d’info les consommateurs et on freine la création d’emplois. Sans parler qu’il y a deux poids deux mesures. D’une part, on tolère plus d’un million de posters et d’affichettes, collés un peu partout par les petites boutiques et garages, tandis qu’on délivre près de 8 millions de dollars d’amendes pour nettoyer São Paulo des grosses marques.

La fin de la société de consommation ? Même pas. Logo ou no logo, elle est toujours là.

On marmonne qu’il vaudrait mieux nettoyer la ville de São Paulo de la violence des gangs qui continuent de la polluer. D’ailleurs maintenant les rues sont moins sûres, la nuit, en raison du manque des panneaux lumineux.

Perso ? Je pense qu’il y a mesure et démesure. C’est très bien de mettre une limite à la pollution visuelle causée par les activités illégales des d’afficheurs, mais bon, une bonne réglementation et un contrôle sur le nombre, la taille et le contenu des affiches seraient suffisants. Et franchement, en regardant les photos de Tony, j’avoue que je ne trouve pas que la ville a gagné en esthétique.

Quoique, par une nuit très claire et sans pollution lumineuse, bref en haut de la montagne ou au milieu de la mer, on pourra, même voir les étoiles comme Galilée. Enfin, presque.

Share Button

7 réflexions au sujet de “Sao Paulo : une ville sans pub”

  1. Je ne suis pas pour la pub à tout prix, mais j’ai lu un article sur le sujet qui parle des conséquences économiques :
    133 millions de dollars en moins de revenus publicitaires pour l’État et environ 20 000 employés du domaine publicitaires licenciés pendant que d’autres commencent à craindre pour leur emploi. Ca fait réfléchir…

  2. Paysages de France a encore eu des victoires judiciaires en matière d’affichage publicitaire.

    Le 14 février, Masse Critique (émission de France Culture) avait comme invité le directeur général de Clear Channel France. Vous entendrez notamment l’animateur de l’émission utiliser, à propos de cet afficheur, le mot “délinquant” et évoquer à plusieurs reprises Paysages de France ainsi que les condamnations de Clear Channel… (à partir de l’index 27).

    Lien pour accéder à l’émmission :
    http://www.radiofrance.fr/chaine...

  3. Blog super sympathique qui laisse la parole aux fils et filles de pubs… qui
    peuvent se déchainer, s’enchainer, s’arrêter sur l’image ou zaper à leur
    guise. Tout ceci donne matière à réflexion sur l’usage de l’espace et du
    temps du citoyen par le citoyen lui-même et pour lui même.
    Bref , comment passer du lavage et du gavage de cerveau à la
    liberté de parole de l’individu. Et tout cela grâce à la magie
    d’internet. Je reviendrai bien volontiers voir les idées pour le JSP que j’ai trouvé très interessantes. Et si j’en trouve une , eh bien, grâce à ce site, je pourrais m’exprimer…
    Encore merci.

  4. Paysages de France, en collaboration avec France Nature Environnement, mène actuellement un important travail en vue de la modification de la législation applicable à l’affichage publicitaire qui devrait intervenir très prochainement, à l’occasion de l’adoption de la loi portant engagement national pour l’environnement (dite loi "Grenelle II").

Laisser un commentaire