La religion dans la pub, c’est l’enfer

La religion et la pub, un sujet qui fâche. Le spot ci-dessous vous montre une publicité israélienne qui vante le mérites d’une chaîne de télévision, Yes HDTV.

Sur le site «goodnewsisrael» on peut lire : Faute de pouvoir vous offrir quelques beignets et allumer tous ensemble des bougies, nous vous avons choisi en l’honneur de Hannoucah, une petite sélection de chansons ainsi que la publicité la plus amusante du moment en Israël.

On sait que les juifs ont le sens de l’humour et je me demande quelle aurait été la réaction en France si on avait osé faire danser des curés en jupon devant Notre Dame de Paris pour une pub de Canal+.

Pour les créatifs de la pub, l’univers religieux est une source inépuisable d’inspiration. Il faut dire que la tentation est grande. Les publicitaires sont alléchés par les personnages bibliques, des événements de la vie religieuse ou des lieux mythiques qu’ils abordent de façon ludique. À commencer par Adam et Eve et le serpent, en passant par les anges, les diables et tous les saints et en finissant par les curés, les bonnes sœurs, le cloître , le clocher et tutti quanti.

Mais si un petit clin d’œil aux péchés capitaux, à la pomme croquée pour le Macintosh, au jardin d’Éden façon Cacharel ou aux moines pour le fameux fromage ne pose aucun problème, si Don Patillo a pu discuter pendant 25 ans avec Dieu sans que personne ne crie au scandale et répéter en levant les yeux au ciel « Des pâtes oui, mais de Panzani », il y a des limites à ne pas dépasser. Le sentiment religieux fait partie de l’univers intime des individus. Titiller les croyances profondes par des allusions ou des métaphores peut toucher des cordes sensibles.

En Italie, en 1973, Oliviero Toscani démarre sa carrière avec une affiche pour le jean Jesus. L’accroche « Qui m’aime me suive » soulève un raz-de-marée. Une deuxième « Tu n’auras point d’autre jeans que moi » est condamnée par le Vatican et par des intellectuels comme Pier-Paolo Pasolini. Pourtant le Vatican perd sa bataille, les affiches ne sont pas interdites. Les jeans Jesus deviennent un symbole de transgression et de liberté et les ventes explosent.jeans jesus Le jour sans pub

Une vingtaine d’années plus tard, le sulfureux photographe italien Toscani persiste et signe. « Les limites de chacun sont bien différentes, dit-il, le tolérable est en fonction de la tolérance de chacun.» Dans les années 90, son affiche pour Benetton où un curé embrasse une nonne relance la polémique.

le-pseudo-baiser-entre-une-nonne-et-un-pretre-dans-les_333796_510x255Pourtant il n’y a pas de scandale pour Lara Croft crucifiée dans une publicité pour PlayStation ni pour la Kookaïette-Sainte Vierge portant secours à un Christ livreur de pizza.

kookai-la pitié-le jour sans pub_1

« Dix ans de passion » dit le slogan de la campagne publicitaire italienne qui commémore le dixième anniversaire de la console Sony. Elle accompagne la photo d’un jeune homme souriant, la tête couronnée d’épines. «Irrévérencieuse, crie le Cardinal Ersilio Tononi. «La limite a été dépassée, tonne Don Antonio Sciortino, le directeur de Famille Crétienne, nous considèrons aussi que cette opération ne peut pas être respectueuse de la sensibilité des croyants. » Sony regrette le malentendu et retire la campagne Playstation.

Pourtant la campagne du ministère du Tourisme israélien n’hésite pas, en référence à la mer Morte, à inventer un nouveau commandement : « Tu ne couleras point ».

En Russie, Coca-Cola couvre ses distributeurs de logos représentant la croix orthodoxe et des coupoles, symboles chers à tout croyant. « Nous sommes profondément outragés par cet acte blasphématoire. C’est une insulte faite aux trésors orthodoxes et nationaux du peuple russe par une compagnie américaine« , déclare la plainte qui porte la signature de 440 personnes. Une enquête sur cette affaire est en cours actuellement.

En Belgique, L’épiscopat proteste auprès du groupe de médias RTL contre une publicité pour Plug TV, une chaîne câblée qui cible les adolescents, qui met en scène un Christ baba cool ventripotent entouré de filles légèrement vêtues. « Si les publicités pour des fromages ou des pâtes où figurent des religieux gourmands sont sans conséquence, en revanche faire de Jésus un homme sandwich dépasse les bornes. Et voir un Jésus de pacotille se conduire en adolescent attardé, cela dépasse les limites de l’acceptable ».

En France, en 1986, Andy Warhol s’attaque à la Cène de Leonard de Vinci en remplaçant les participants par des motos. Elle est saluée comme une œuvre d’art.

Quelques années plus tard, en 1998, la célèbre Cène est détournée pour une pub de la Golf de Volkswagen. La marque, sous la pression des catholiques, est obligée de la retirer et de faire « un don » de 15000 € à une organisation caritative.

Leonard de Vinci va finir par demander des droits d’auteur. En 2005, une pub pour Marithé et François Girbaud parodie la Cène de manière très esthétique. Les apôtres de Jésus sont remplacés par des jolies femmes. La Cène devient érotico-branché-chic. Ce qui déclenche les foudres de l’Église catholique. L’épiscopat français assigne les créateurs pour « injure envers une religion déterminée ».

la cène- maritéFG- le jour sans pub

L’affaire fait un grand bruit. Les évêques obtiennent l’interdiction de cette campagne à laquelle ils reprochent « la pose lascive de l’homme » ainsi que « l’utilisation d’une scène sacrée à des fins mercantiles ». Le juge décèle dans cette annonce « un acte d’intrusion agressive et gratuite dans les tréfonds des croyances intimes” et oblige la marque à la retirer immédiatement. Tandis qu’en Belgique elle continue de passer allégrement, en presse.

Alors, la Cène, une image pieuse ou une œuvre d’art ? C’est à y perdre la tête. Comment respecter les religions et ses limites ? À quel moment, on devient trop désinvoltes et on dépasse les bornes, en sachant que l’époque, le pays, la subjectivité, changent à chaque fois les données.

A bien réfléchir, c’est à se demander si, au fond, la publicité et la religion ne poursuivent le même objectif : attirer les gens et les fidéliser en faisant miroiter le bonheur. En tout cas, comme disait Martin Luther : Si on ne peut pas rire au Paradis, je ne tiens pas à y aller.

Si on ne peut pas rire au Paradis, je ne tiens pas à y aller. Martin Luther

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10 réflexions au sujet de “La religion dans la pub, c’est l’enfer”

  1. Je pense qu’il n’y a pas de règle. L’affiche du film "amen" (elle était HARD celle-là) n’a pas été interdite non plus. C’est peut-être parce qu’on profite de la religion pour vendre, mais dans ce cas pourquoi on peut vendre le fromage ? Et pourquoi il y a eu un scandale pour la cène et pas pour la gamine de Kookai ?

  2. En découvrant cette publicité, j’ai eu une réaction de publicitaire tres franco-française, en me disant que des prêtres juifs, qui dansent sur du Village people, pour vendre de la Tv satellite, ça susciterait la polémique, voir la censure.

    Eh bien non, il semblerait qu’en Israël, on peut rire des religions.

    Concernant la cène, j’ai en mémoire une publicité pour Girbaud. C’était une très belle photographie réalisée qui était totalement en adéquation avec l’univers de cette marque de vêtements. Je n’y ai vu aucune récupération grossière à des fins mercantiles.
    Néanmoins, elle n’a pas été au goût d’associations religieuses.
    Il a fallu arriver en cassation, que la Cour des droits de l’homme se porte civile, pour débouter l’association.
    En lien, un très bon billet à ce sujet
    http://www.fairelejour.org/artic...

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