RATP : tout le monde descend

Ce n’est pas aujourd’hui qu’on fera un bout de chemin ensemble.

ratp metro

Allez, on va faire un petit flash-back, au tout début de notre histoire, pour ne pas vous en faire perdre une miette. Revenons au moment où Céline, tout fraîchement débarquée sur le JSP, sélectionne les Annonceurs à contacter.

Elle vient de lire l’épais dossier RATP. L’effet coup de cœur est immédiat. « Voici une entreprise comme je les aime. Au lieu de clamer sa citoyenneté, elle agit concrètement. Tu savais que la RATP a mis en place une unité opérationnelle de 66 agents pour se charger des plus démunis ? Et qu’elle a créé une fondation qui se bat contre l’exclusion et aide les associations ? Et qu’elle récupère l’énergie émise lors du freinage des métros et des RER pour d’économiser 160 millions de kw/h par an qu’elle utilise pour éclairer les couloirs ? Et que chaque année 52.000 m3 d’eau sont économisés grâce au recyclage de l’eau de lavage des bus ? »

Oui, je sais, c’est moi qui ai préparé le dossier, mais ça m’amuse de voir Céline transformée en moulin à paroles. Je la connais en femme d’action, pas en marathonienne du verbe. Et voilà qu’après m’avoir énuméré toutes les valeurs d’écoute, de respect et de citoyenneté de la RATP, elle conclut: « Je vais écrire à Mme Anne-Marie Idrac. Leur culture de dialogue positif colle parfaitement au JSP. » Là oui, que je la reconnais bien.

Pour être franche, je pense que la Présidente de la RATP a d’autres chats à fouetter et ça m’étonnerait qu’elle trouve le temps de lire le dossier. Sans compter qu’il me semble plus judicieux de contacter le DirCom. Mais devant la détermination de Céline, je lui laisse carte blanche. Et je ne le regrette pas. Son optimisme stimulant arrive à déplacer des montagnes. Incroyable, mais vrai, Mme Idrac répond immédiatement. Quelle grande leçon de politesse et d’ouverture ! Elle a pris le temps de lire le dossier, de répondre et de demander à Gilles Alligner, le directeur de la communication, de nous recevoir.

Je retrouve Céline en admiration devant les autobus et les wagons de collection qui sont installés dans le hall de la Régie Autonome des Transports Parisiens. Si pour Céline ça a été un coup de foudre, pour moi c’est une vieille histoire d’amour. Dès que je pousse la porte de la grande « maison », je retrouve mes repères. Je refais des gestes qui me sont familiers. Je vais directement à l’accueil du grand hall, j’échange mon document contre un Pass, je me dirige vers la bonne porte, je glisse le Pass dans la fissure, je fais virevolter le tourniquet, je rentre dans l’ascenseur et je pousse sur le bouton du bon étage. Voilà ! Céline me suit, interloquée. Non, ce n’est pas magique. « La RATP a été un des premiers clients de mon agence et je suis venue ici bien souvent. J’ai même déjeuné à leur cantine. » Céline esquisse son petit sourire de Joconde. « Eh non, Céline, je ne connais plus personne, c’était il y a 5 ans et depuis tout a changé. »

Gilles Alligner, le DirCom, nous reçoit avec Ludovic Bajard, son adjoint. Son accueil est poli, mais réservé. Nous lui exposons notre projet.

Regard perçant et gestes mesurés, M. Alligner nous écoute sans laisser transparaître aucun sentiment. Il nous pose des questions pointues sur le côté concret de l’événement, il explore tous les recoins du projet et nous demande le prix du ticket d’entrée. Nous sommes prises au dépourvu. Ce sont nos premiers rendez-vous. A ce moment, nous n’avons pas encore défini tous les détails, ni les règles du côté opérationnel. Et, jusqu’ici, les réactions de nos interlocuteurs au projet sont purement épidermiques. On adore et on adhère, on bondit et on réagit. D’un coup, je ne sais plus sur quel pied danser. Ce qui me perturbe davantage c’est que le DirCom ne manifeste ni enthousiasme ni indignation. Nous a-t-il reçu parce qu’il trouve le projet intéressant ou uniquement parce qu’on le lui a demandé ?

Je tourne le regard vers M. Bayard, comme pour chercher une réponse. L’espace d’un instant, je crois saisir, dans ses yeux, une étincelle d’intérêt. Mais ses yeux se baissent rapidement. Il continue à prendre ses notes sans mot dire.

M. Alligner nous dit que la RATP fait partie des petits annonceurs et n’a pas de budget à investir. Et qu’il ne se considère pas comme un annonceur pollueur. Il n’y a aucune hostilité dans sa voix, mais il a le ton déterminé des hommes habitués au commande.

Je lui fais remarquer que, puisque la RATP dispose de son propre réseau d’affichage dans le métro, l’investissement pour eux sera modeste. Première boulette ! Il précise que le réseau d’affichage ne leur appartient pas. La publicité dans les espaces métros et RER est gérée par la société Métrobus, filiale de Publicis.

Bien sûr, je sais bien que c’est Metrobus qui commercialise l’espace dans le métro et que la RATP ne touche qu’une partie des recettes qu’elle utilise d’ailleurs pour développer les prestations offertes à ses clients. Quelqu’un des médias m’a même dit que seules les petites affichettes informatives sur le quai leur appartiennent. Je sais aussi faire la différence entre un réseau de transport et un réseau d’affichage. On a beau tout savoir, mais à force d’entendre parler de « la campagne d’affichage sur les réseaux RATP » ou de lire « la RATP offre des panneaux… » on s’en mêle vite les pinceaux.

Je passe à un autre argument. « La RATP fait partie des acteurs de la ville et participe aux événements qui touchent de près les parisiens. Une entreprise responsable, qui multiplie les actions éthiques et sait créer une relation de connivence avec ses utilisateurs, ne peut pas rester à l’écart d’un tel événement. Sans compter que depuis que les antipub ont mené leurs actions dans le métro, elle devrait occuper le terrain plutôt que de leur laisser.« 

Deuxième boulette ! Au mot « antipub », M. Alligner a un geste de désappointement comme pour effacer les mauvais souvenirs. Je comprends, cet épisode a mis en cause leur image et des dégradations très importantes.[1] Ce n’était pas une bonne idée de le lui rappeler.

L’enchaînement des flops me fait penser que c’est compromis.

Avant de nous quitter, le DirCom nous demande si la SNCF y participe aussi. Pas encore. Pour l’instant nous avons un mal fou à les joindre pour leur présenter le projet. Mais nous comptons leur en parler.

Et, pour finir en beauté, M. Alligner nous questionne sur la position de l’UDA. Nous pensons, bien-sûr, que l’UDA va finir par se rendre compte que nos objectifs ne sont donc pas contradictoires, que nous avons la même envie de briser le mur qui s’est créé entre le consommateur et l’annonceur. Mais inutile de faire des circonlocutions. La réponse est claire : pour l’instant l’UDA ne nous soutient pas.

Avant de se quitter, M. Alligner nous précise que la RATP pourra participer à cette opération si un certain nombre d’annonceurs importants et si des professionnels comme l’UDA donnaient également un accord. On les tiendra au courant de l’évolution du projet, bien évidemment. Céline, qui voit son histoire d’amour s’évaporer, bafouille quelques mots incompréhensibles. Nous repartons, le cœur en marmelade. Terminus, tout le monde descend.

Share Button

14 réflexions au sujet de “RATP : tout le monde descend”

  1. J’avais découvert la RATP à la TV, à travers un documentaire sur ses agents qui s’occupaient des SDF dans le métro. J’avais trouvé qu’elle avait mis au point une excellente initiative. Après ce que vous dites (économie d’eau, d’énérgie et réaction de la PDG), je lui dis : Bravo ! S’il y avait plus d’entreprises comme ça en France…

  2. Je pense que les entreprises devraient être dans les mains de dirigeants disponibles et ouverts comme Anne-Marie Idrac, qui donne encore une fois un exemple de savoir vivre et de savoir faire. Je suis extrêmement choqué par la réaction de certains petits dircom avec de grosses têtes, comme chez France Télécom, qui vous balade d’un service à l’autre sans prendre le temps d’examiner votre dossier et aussi par des chefs d’entreprise, comme JE Leclerc, qui vous laisse sans réponse. Un peu de respect pour les gens, que diable ! Je suis admiratif devant la réactivité, le sérieux et la politesse de cette ancienne élue politique qui, contrairement à certains de ses confrères, prend les choses en main et agit.

  3. Bon, les cocos, moi aussi je risque de changer de point de vue. Jusqu’ici la RATP c’était la grande machine qui polluait un max avec ses affiches de pub tout le long du métro, en se faisant un paquet de pognon sur mon dos et en m’emmerdait avec ses grèves. Je découvre que le fric ne va pas dans sa poche, qu’elle respecte des règles éthiques, l’environnement et qu’elle est ouverte au dialogue. Cool ! Si tout ça c’est vrai, pourquoi on nous l’a pas dit plus tôt ?

  4. Pitié, arrêtez de chanter les louages de la RATP. Bien sûr, c’est moins pire que d’autres entreprises, mais elle manque de courage quand elle se cache derrière l’UDA. Faire une campagne de sensibilisation au respect, c’est bien, mais ça ne reste que de la pub. Comprendre les besoins du citoyen, faire un geste pour le consommateur qui étouffe, c’est autre chose. Moi, j’attends voir la suite de ce rendez-vous.

  5. Tu as raison, lou, d’être méfiant(e), c’est vrai que la pub ne reste que de la pub. On a déjà vu des Annonceurs se donner une image éthique et se débiner dès qu’on leur demande d’agir. Mais je ne crois pas qu’une entreprise publique comme la RATP ouvre le dialogue pour le fermer aussitôt. Je leur fais confiance.

  6. Personnellement, je trouve que ce rendez-vous s’est bien passé. Le directeur de la communication de la RATP est sans doute un homme cérébral. Vous êtes une femme passionnée et son manque d’enthousiasme vous a fait conclure qu’il n’accrochait pas à votre projet. Néanmoins, c’est bien plus intéressant d’avoir affaire à quelqu’un qui se penche sur un projet de manière rationnelle, plutôt qu’à ceux qui s’emballent facilement pour reculer aussitôt. Je suis sûr qu’il est fiable et dès qu’il l’aura étudié dans tous ses détails, il lui donnera une suite. Bien cordialement.

  7. Sympa la RATP ! Elle fait plein de trucs culturels et des super campagnes. ImagineR mettait de la joie dans le métro. Et question éthique, elle est au top. Dommage ce blocage sur UDA ! Pourquoi les annonceurs ne sont pas libres de faire des choix sensés, sans lui demander son avis ? Ce n’est quand même pas la Gestapo 😉

  8. La RATP a été prise par cible principale par les anti-pubs qui ont causé de gros degats dans les stations du metro et terni son image. Depuis les faits, une majorité de gens pensent que la RATP fait partie des annonceurs pollueurs (les commentaires le confirment). En quelque sorte, leur image est ternie et les campagnes de pub ne suffisent pas à redorer le blason.
    Au-delà des questions éthiques, je crois que le jour sans pub est pour la RATP une occasion inésperée pour pouvoir ouvrir le dialogue avec les gens et éclaircir certains points. Les responsable de l’entreprise ne sont pas dupes, c’est pour cela que je pense qu’ils donneront une suite à ce rendez-vous.
    En ce qui concerne l’UDA, elle conseille les annonceurs, qui restent également libres de faire leur choix.

Laisser un commentaire