Chien de pub

Après la création sans création, voici le logo sans logo.

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Ça vous semble logique de faire un logo pour un jour sans pub ?
On demande aux marques de ne pas montrer le leur et voilà qu’on affiche le nôtre. Un logo ce n’est pas le symbole premier d’une action publicitaire ?

Apparemment, je suis la seule à trouver ça bizarre. Myriam pense que ce n’est pas du tout contradictoire. Elle s’explique : « Faire de la pub, c’est avoir un but commercial. Or, tu ne vends rien, donc le logo ou plutôt le « non logo » n’est qu’un signe de reconnaissance de ceux qui adhérent à l’action. » Florence considère qu’il va souligner le côté ludique de cette journée. Céline trouve qu’offrir des T-shirts ou des bracelets, est une manière sympathique de marquer l’événement et de rassembler les gens. Lili fait remarquer que ce ne sont pas des objets promotionnels. Et Anne-Sophie pense que c’est un geste supplémentaire envers les consommateurs.

Bon, il faut absolument que je contacte Benoit. Le Benoit sans accent circonflexe, s’il vous plait. Benoît de Veiylder c’est une sorte d’ovni monstrueusement génial. Il est Directeur Artistique, mais il aurait pu être peintre, concertiste ou créateur de tendances. La pub fait partie de son aventure quotidienne, ses tableaux de celle intérieure. C’est l’artiste avec la tête dans les étoiles. Et les pieds aussi, chacun planté dans un nuage. C’est un mec à part, un personnage étonnant, décalé sous toutes les formes. Sa silhouette gracile est imposante. Son look décontracté change de ton au niveau des pieds, chaussés d’élégantes chaussures italiennes. Il se nourrit d’expos et de musique classique, mais il apprécie les bons morceaux de rap. Il se fait transporter par le piano en sirotant un thé à la Maison de la culture du Japon, mais ne refuse jamais une bière au troquet du coin. Il adore se délasser au soleil à une terrasse de café à Florence, mais il part faire du bateau entre pluie et tempête dans les froides mers du nord. Il est prodigieux de générosité, fidèle en amitié, mais têtu et tenace comme une mule. Vous l’avez bien compris, Benoit c’est un modèle unique. Depuis, ils ont cassé le moule.

Benoît bouillonne d’idées et d’images. Qu’il faut rattraper vite avant qu’elles partent dans un tourbillon. De toute façon vous l’avez bien compris : j’adore travailler avec lui. C’est lui l’artiste fou qui a conçu la couverture de mon bouquin. Une poupée créé avec un sac poubelle, une espèce de sculpture crash. Il fallait oser ! Quand il m’a décrit son idée, j’étais perplexe. Je n’ai pas compris où il voulait aller, mais je lui ai fait confiance. C’est quand je l’ai vu à l’œuvre dans le studio du photographe, avec Mamie Katsumata, la styliste japonaise, que j’ai su que c’était une putain de bonne idée.

Benoît suit le JSP depuis le début, il le connaît et il y croit. Pas besoin de lui faire un dessin. Nous discutons donc de sa symbolique. Il me montre peu après sa première maquette. C’est étonnant, drôle. J’éclate de rire. J’aime son côté inattendu. Ce logo bouscule les lieux communs. Mais, au fait, ça signifie quoi ? Benoît part dans une envolé lyrique pour me donner des explications. Pour Benoît le second degré ce n’est que du basique. Il en est au troisième, quatrième et même plus, si affinités. Avez-vous déjà suivi un artiste qui monte ses idées en neige ? Eh bien, le sucre devient vite barbe à papa et on ne sait plus ce qu’il y avait à l’origine. J’aime bien, ça m’interpelle. Je présente le logo à l’équipe et j’attends leurs réactions. Les commerciaux sautent tous en l’air.

Céline, qui râle déjà sur le nom du projet, qu’elle trouve trop provocateur, en a le souffle coupé. «  On se fait incendier dès qu’on prononce « le jour sans pub », une formule qui ressemble à un défi… On ne va quand même pas en rajouter ! Ils vont tous nous prendre pour des antipub. » Les autres pensent que ce logo ne véhicule pas le concept du JSP. Certains trouvent qu’il va même à l’envers de ce que l’on voudrait transmettre.

Monde de chien ! Je suis partagée entre ma casquette de « créative » qui me fait apprécier les créations peu convenues et pas du tout consensuelles et mon rôle de responsable du projet. Je pense qu’une idée qui n’est pas dangereuse ne vaut pas la peine d’être appelée idée. Elle doit toujours se nourrir d’un grain de folie dérangeante. C’est ce que pensent aussi Thierry, Charlotte et Fabien. Les créatifs, bien sûr, adorent ce logo. Mais les commerciaux sont la voix de la conscience et de la raison. Le logo ne doit donner naissance à aucune ambiguïté et ils veulent aussi connaître le pourquoi du comment.

Je reviens à l’attaque auprès de Benoît. Il m’explique que ce n’est qu’un premier jet, une ébauche d’idée, puis il me parle du chien stupéfait de se retrouver dans une ville sans pub. Je sens qu’il y a une idée forte qui mérite d’être mûrie, poussée. C’est un peu comme sa fameuse sculpture en sac poubelle. Il faut lui laisser un peu de temps. Il va tous nous bluffer.

Nadège qui découvre le logo écarquille les yeux « Pourquoi un taureau ? » Céline enchaîne :« Ce n’est pas un taureau, c’est un chien. Et la pub, il lui fait pipi dessus.» Bon, j’ai compris. Je m’écrase sous le poids de « l’enthousiasme » collectif et je reparts voir Benoit. Je lui raconte les réactions à son logo. Il éclate de rire, puis il repart dans sa galaxie. Ce qui, en langage Benoit signifie « Les chiens aboient et la caravane passe… »

POST-IT : Et vous, qu’en pensez-vous de ce logo ?

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20 réflexions au sujet de “Chien de pub”

  1. Pour ma part je suis assez partagé entre l’esprit créatif, impertinent et poil à gratter du JSP et la frontière proche avec les antis pub.
    J’adhère à la prise de risque du logo, mais je pense qu’il faut que le JSP se démarque du mouvement anti pub qui est souvent une simple contestation stérile.
    L’idée est bonne, l’étonnement du chien qui ne sait plus où uriner. Cela montre bien ce que j’appellerais « l’urbanisation publicitaire ». Mais cela peut être mal interprété : le chien urine sur la pub et par déduction le JSP urine sur la pub. Ce qui tout le monde le sais ici est faux.
    Moi je ne prendrais pas le risque. Mais ce n’est que mon modeste avis.

  2. Je suis d’accord avec Stéphen. Ce logo me fait "pisser" de rire et créativement parlant, il est original et sympatique. Mais il est à double tranchant. Quand on ne connait pas le concept du JSP, on peut penser qu’il exprime du mépris pour la pub et l’associer aux mouvements contestataires et stériles des antipub.

  3. La créativité c’est aussi le courage de prendre des risques et le côté provoc’ ne me gêne pas du tout, tout au contraire ! Je comprends aussi que le point d’exclamation signifie l’étonnement. Mais je pense que ce n’est pas immédiat pour tout le monde et pourrait prêter à confusion. En tout cas, bravo M. Benoit sans chapeau sur le "i"

  4. C’est vrai que c’est plus difficile de faire le jour sans pub que la pub du jour…En ce qui concerne le logo, je suis pour la technique de la pompe ou pour les inititiés du benchmarkingue. Les autres ils on fait quoi : les sans tabac, les sans alcool, le sans dessus dessous, les tapas 100 balles, les sans gains, les sans culottes, les sans couilles…? Comme tout et rien c’est souvent la même chose, je ferai une journée où tout est pub pour sensibiliser sur les risques de la pub et faire progresser les adeptes du sans pub. Je sais c’est vicieux, mais bon on se refait pas. Et pour le logo ? Un symbole de la démocratie avec de la promo dessus. Comme le drapeau avec dessus écrit en gros soldes ou promo+ 20% (ça peut marcher aussi avec le président, même si la surface d’affichage a été réduite par rapport au précédent modèle). L’idée est d’afficher la pub où on ne veut pas la voir. Pour voir le résultat…je facture!!!

  5. Autre point concernant le brief…c’est un jour par semaine, par mois, par an, par décennie…? Parce que si c’est par an, on peut travailler autour d’un calendrier avec des pubs partout sur le calendrier sauf une journée où est écrit journée sans pub. D’ailleurs, il faudrait en faire un jour férié. Par extension, sur le calendrier, chaque saint serait une marque. Je suis né la saint Nike. Et les enfants porteraient des prénoms de marques comme Mégan ou Vanya….Autre idée, reprendre la pub de l’afficheur avenir, faire un deal avec lui et mettre sur le maillot de bain pub. Et, le jour où elle enlève le maillot c’est le jour sans pub. Je reçois mon chèque quand?

  6. Bien rédigé avec un joli style enthousiaste al’ italienne 😉

    Étrange que l’artiste ne l’a pas indiqué, cette idée qui m’est venu immédiatement.
    Le chien pisse pour délimiter Son territoire.
    Même s’il pisse dessus, ça lui appartient puisque c’est la limite de son territoire. En transposant, les gens critiquent la pub mais elle fait partie de leur environnement, elle leur sert.

    J’ai découvert vos 2 blogs via Viadeo.

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