Ne tirez pas sur la pub.

La pub est devenue l’ennemi à abattre, c’est un fait. Mais quel a été le déclencheur ?

Certes, on peut mettre tout sur le dos des récents mouvements antipub. Ou accuser le tam-tam médiatique qui en a suivi. C’est bien pratique, mais pas tout à fait honnête. Ils ont eu, bien sûr, un rôle de catalyseur, mais si le Français a été si réceptif, c’est parce le malaise était sous-jacent.

Après avoir discuté en long et en large avec publicitaires, étudiants, journalistes, écrivains, sociologues, « planneurs », pointé mon nez dans les Forum pour échanger avec  Pierre-Paul et Jacques, et passé au crible les résultats de petites et grandes enquête, j’essaye d’en identifier les causes.

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TROP DE PUB TUE LA PUB

En 1990, Jacques Séguéla disait déjà « Trop de pub tue la pub ». Ça n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Déjà en 1995, l’Étude de « The Media Partnership Research relatait : « Toute personne se déplaçant en agglomération parisienne est exposée à l’affichage pendant 61 % de son temps uniquement pendant son trajet en métro.  » Chaque consommateur est la cible d’environ trois mille messages publicitaires par jour et chaque ménage reçoit 40 kg de prospectus par an dans sa boîte aux lettres. Soyons honnêtes, comment ne pas comprendre le ras-le-bol des gens ? La publicité est partout. Sur les écrans de télé, du Net, dans la rue, dans les métros, dans les boîtes aux lettres… Le discours publicitaire est vécu de manière intrusive, à la limite du matraquage.

TROP DE MAUVAISE PUB TUE LA PUB
La pub peut amuser, distraire, passionner, même avoir un effet euphorisant. À condition d’être créative, audacieuse, étonnante et de sortir des sentiers battus. Or, la création est en train de se recroqueviller sur elle-même. Les pubs sont de plus en plus formatées, aseptisées, javellisées, sans risque. À qui la faute ? Aux annonceurs qui mettent la pression sur les agences ? Aux agences qui ne défendent plus la créa par peur de perdre leurs clients ? Aux pré-tests quasi systématiques qui lui enlèvent toute audace ou aspérité ? Aux délais trop courts impartis aux créatifs ? Au discours commercial qui ramène tout au prix et au « plus-produit » ? À la stratégie, qui ne pousse pas à l’audace ? À l’ambiance frileuse de notre époque ? Il va de soi qu’une pub sans surprise, sans inattendu et sans renouveau ne peut qu’engendrer l’ennui.

TROP DE SCANDALES TUENT LA CONFIANCE
Les français sont de plus en plus sensibles au respect des règles éthiques et de l’environnement de la part des Entreprises. Une récente enquête relate que seulement 38% des français estiment que les entreprises se comportent globalement de façon éthique et responsable contre 62 % aux Etats-Unis et 59 % au Royaume-Uni. Or, les scandales successifs (Vivendi, Total…) ont ouvert la voie au doute et à la méfiance en laissant les français perplexes sur l’éthique des entreprises. Cette crise de confiance finit forcément par retentir sur la pub.

TROP D’ABUS TUENT LA PUB
Parfois la pub a ses dérives, comme la pub sexistes, les stéréotypes sur les femmes, le glam-trash ou le porno-chic. Ce ne sont que des cas isolés, sans véritables conséquences. La « Meute » aboie, la caravane passe. Mais quand il s’agit de fausses promesses ou de panneaux illégaux qui fleurissent n’importe où, sans respect de l’environnement ni du consommateur, ce n’est pas étonnant que certains, choqués par ce manque d’éthique,  finissent par mettre tout dans le même sac en rejetant en bloc la pub.

TROP DE FRUSTRATIONS TUENT LA PUB
« Nous vivons à une époque où le superflu est nécessaire » disait déjà O. Wilde. Mais, depuis que la rupture de la croissance économique a donné aux Français le sentiment de perdre leur pouvoir d’achat, la pub, carburant de la consommation et partie visible de l’iceberg, est regardée d’un œil de plus en plus critique et devint le bouc émissaire du discours altermondialiste. Dans un environnement économique compliqué, dans une société qui compte plus de 2 millions et demi de chômeurs et plus d’un million de RMIstes, l’appel à la consommation est vécu comme une provocation et les mythes d’abondance étalés par la pub sont accusés de créer des besoins inutiles.

TROP D’IMMOBILISME TUE LA PUB
Le monde évolue, le consommateur aussi. Nous sommes passé du consommateur-récepteur passif au consomm’acteur. Depuis que le Web a éclaté, la Génération Participation a remplacé la Génération tranquille. Mais depuis bien trop longtemps, aucune avancée révolutionnaire n’a été faite. Dans un monde totalement interactif, devant un consommateur qui veut être acteur de la relation et influencer par ses choix, une publicité qui recycle ses vieux stéréotypes, qui a du mal à s’adapter, se repositionner et se réinventer, devient inefficace et révolue.

Et oui, le monde a changé. Nous sommes rentrés dans une ère féminine, où l’on voit naître de nouvelles valeurs. L’être prend le pas sur l’avoir, le sujet sur l’objet, la connivence sur la performance, l’éthique sur l’individualisme, la consommation de sens sur la consommation abusive…

LA PUB OU SA MAUVAISE UTILISATION ?
Ne tirez pas sur la pub ! Vous la trouvez envahissante, intrusive, mièvre, immobile, dépourvue d’éthique, irrespectueuse et peu adaptée aux nouvelles attentes. Et vous avez raison. Sans compter que, dans ce contexte social difficile, elle est devenue le miroir sociologique qui cristallise les frustrations et les ressentiments de la société actuelle.

Mais, avouez-le, certaines pubs vous ont fait rire, d’autres vous ont étonné. D’autres encore vous ont fait rêver. Au fond, ce n’est pas la pub qui doit être mise en cause, mais sa mauvaise utilisation. Et si on réfléchissait à un pub créative, mais respectueuse des gens ? Si on en faisait moins, mais mieux ? Si on la faisait évoluer vers de nouveaux horizons en adoptant des comportements différents. Et si on pensait à l’environnement ? A l’éthique, à l’humain ? A l’égalité des sexes.  A la planète…

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17 réflexions au sujet de “Ne tirez pas sur la pub.”

  1. Trop de pub : d’accord.
    Pub sans surprise : de plus en plus.
    Pas de confiance dans les marques: elles n’ont rien fait pour la mériter.
    Des derives : beaucoup trop, surtout sexistes.
    Frustrations : possible, mais je suis mal placée pour le dire. Je fais encore partie des chanceuses qui ont encore du pouvoir d’achat. 5 sur 5. Je suis d’accord !!!

  2. Je suis d’accord avec tes conclusions. Je ne suis pas contre la pub. Elle est importante pour le développement des entreprises, donne du travail aux gens et nous informe (Quelle nana n’est pas ravie de savoir qu’il y a un rimmel qui double l’epaisseur des cils tout en les sognant ?) Mais il y en a trop ou elle est mal distribuée. Côté création, elle est plate et à sens unique. Il faut aussi préserver l’espace public et éviter les abus. Afficher la vulgarité ne fait pas vendre davantage. Je me mefie des marques qui ne respectent pas les règles et ne font pas attention à l’environnement. C’est vrai aussi qu’elle pousse à la consommation et ceux qui ne peuvent pas consommer ont un sentiment de frustration, mais ce n’est pas la faute de la pub, mais de notre époque.

  3. La pub manque d’idée, elle n’est pas originale, pas drôle… mais quand elle en a, on crie au scandale. Prenons Babette (pas notre blogueuse, mais la crème fraîche). Vous souvenez-vous ? J’avais trouvé cette pub très amusante, mais certains l’ont prise au premier degré… On demande à la pub de l’humour et dès qu’elle le fait… On l’a coupe… (je précise avant qu’on me traite de macho : je suis une femme) C’est plus sûre de ne pas prendre d’initiative. C’est comme la télé, certaines chaînes font des programmes de m….. mais ce sont les plus regardés… Peux-t-on vraiment accusé la pub ?

  4. Les dérives de la pub, comme vous les appelez, ça c’est grave. Et l’humour ne le justifie pas. On voit bien que Madame Peaud’ane ne s’est jamais pris une tarte dans la gueule. Elle ne se marrerait plus en regardant la pub crème fraîche. Les femmes battues, vous en faites quoi ? Et le corps de la femme qui vend n’importe quoi ? Un pub plus creative et plus drole, d’accord, mais sans oublier le respect.

  5. Notre defaut à nous, francais et francaises, c’est que nous prenons tout au premier degré. Les anglo-saxones arrivent a faire de la bonne pub parce qu’il connaissent aussi le deuxieme degré. Arretons de prendre tout au serieux et sourions:)). Anne, ne pense pas je ne respecte pas ton problemes, c’est degoutant ce qu’il t’arrive. Le probleme des femmes battues est tres grave et il faut le prendre au serieux. Mais je ne crois pas que une creme fraiche puisse l’empirer. Ton mec c’est un gros con et la pub n’y est pour rien.

  6. La Meute ne nous represente pas. Ce sont des femmes qui ont un probleme avec le sexe. Il suffit qu’lles voit une fille avec des hauts talons sur une pub, pour crier au scandale. C’est un mouvement extremiste comme les antipub. Les extremistes ne sont pas la majorité des consommateurs.
    Moi, consommatrice, je dis que la pub nous pompe l’air, qu’elle est sciante et que les annonceurs ne respectent pas la planète. Et que les femmes en talons hauts, sont très jolies.

  7. De mon point de vue le seul intérêt de la pub est d’indiquer que quelque chose existe. Deux remarques à cela :
    1) La pub n’est d’aucun intérêt pour les grandes marques que tout le monde connaît déjà. Sauf bien sûr que le public n’est pas exigent et se laisse mener par le bout du nez, au gré des modes et des procédés "psychologiques" susmentionnés.
    2) La pub omniprésente au quotidien parle peu (jamais ?) de ce qui m’intéresse. Bref la pub telle qu’elle existe ne m’intéresse pas, puisque de toute façon quand on a besoin d’une information précise sur un produit, on ne peut pas faire confiance à la pub : seules les notices techniques, articles de presse, ou comparatifs satisfont ce besoin.
    Il reste que je ne suis sûrement pas représentatif du français moyen, encore moins de la fameuse ménagère de moins de 50 ans. Pour finir sur une note positive, j’apprécie la pub en général pour l’inventivité et les idées dont font parfois preuve ses créateurs.

  8. Bonjour, je trouve ce billet très intéressant puisque votre analyse me semble juste et objective. Je voudrais juste commenter le dernier point abordé. Le publicité, c’est certain, souffre d’immobilisme et de frilosité et elle a besoin de devenir plus innovatrice et en phase avec les changements de la société. Nul peut nier la naissance d’une nouvelle génération, la Génération Participation, ni le changement d’attitude du consommateur. Mais cette génération n’est pas uniquement la génération Internet ? Et la cible concernée les 15/30 ans ?

  9. Je vous répond avec les mots de Thierry Maillet, expert marketing et auteur du livre "Génération Paricipation"

    "La Génération Participation ne se limite pas aux 20-30 ans. L’intrusion des nouvelles technologies, la diffusion des valeurs féminines, soit les sens de l’écoute et du partage, autant de critères communs aux plus jeunes comme aux plus âgés. La Génération participation n’est pas une classe d’âge mais une classe de valeurs. Les grand-parents communiquent sur internet avec leurs petits-enfants, les familles recomposées ont de 5 à 50 ans.
    J’ai la faiblesse de croire que les valeurs de la Génération Participation transcendent les classes d’âge.
    En ce qui concerne votre deuxième point je vous donne raison : l’ouverture au monde est croissante, le nombre de conflits militaires est à la baisse et celui des démocraties est à la hausse. Les étudiants français sont parmi les plus voyageurs en Europe et plus de deux millions de français vivent à l’étranger.
    La vision mondialisée des comportements est une réalité positive qui devrait encourager les échanges tant matériels grâce à la baisse des prix des voyages que virtuels avec internet.
    La Génération Participation se nourrit de cette ouverture comme elle la nourrit elle-même. Un cercle vertueux pourrait ainsi paradoxalement s’engager alors que les élites françaises continuent à tenir un discours relativement négatif, sûrement plus sombre que celui tenu par les membres de la Génération Participation."

  10. Hello, d’abord bravo pout ton analyse qui est d’une grande justesse. J’ai 63 ans et je fais partie de la Génération Participation. J’adore Internet et la reclame me gave. Je veux râlér contre la non-éthique des marques, contre la pub et ses aberrations, contre le peu de plaisir qu’elle nous donne. Elle devrait faire rêver, elle nous fait bailler. Je suis à la retraite et je me dis qu’il faudrait trouver des idées pour la changer. Mais que font donc les jeunes ? Pourquoi ne tirent-ils pas un pavé dans la pub ? Pourquoi ne regardent-ils pas en avant ?
    A mon âge ce n’est pas moi qui va faire la révolution. Allez, les jeunes, bougez Et vive le jour sans pub ! Mes amitiés à tous.

  11. Je pense que ce n’est pas uniquement la pub qui est en question, mais l’usage qui en font les publicitaires et les annonceurs. Ils devraient réfléchir à des pratiques plus responsables, éviter le matraquage et protéger les jeunes mineurs de la consommation pathologique. Ils devraient aussi consulter des psy sur les gros enjeux. En tout cas, bravo pour ton analyse.

  12. je crois qu’on peut trouver un terrain d’entente. Mais pour ça, ils faut que la pub et les marques nous écoutent et arrêtent de nous traiter comme des imbeciles. Je trouve ton projet extraordinaire puisqu’ils pousse tout le monde à reflechir, à discuter pour maieux reconstruire.

  13. La pub est indispensable mais elle est devenue tellement présente dans nos vie que l’on arrive quand même à en éviter un bon paquet. Quand on est pas réceptif à de la publicité on l’évite inconsciemment…

    Ce n’est pas pour rien qu’on va aux toilettes pendant les pauses pubs 🙂

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