Nioxin photoshoppe l’alopécie avec Proximity BBDO

Screen Shot 2016-05-10 at 21.32.36Je sais que les clichés ont la vie dure, et que pour beaucoup de pubards, une campagne beauté consiste à caster une jeune mannequin surpayée pour vanter les mérites d’une crème anti-âge. Tant pis pour eux. Ils passent à côté des relations étroites entre beauté et santé, et d’une dimension sociale et psychologique fondamentale : l’image de soi.

Dans sa nouvelle campagne internationale pour la marque de shampoings et traitements capillaires professionnels Nioxin (P&G), Proximity BBDO attaque de front un problème fondamental, au carrefour entre beauté et santé : la chute de cheveux féminine, l’alopécie.

Il n’y a qu’à prendre l’exemple d’un certain roux new-yorkais dont le toupet (et le culot) ne trump personne pour réaliser que la calvitie des hommes est difficile à vivre, mais surmontable. Pour les femmes, la perte de cheveux est encore plus traumatisante. C’est presque une déchéance en féminité. Dans un monde où le cheveu est culte, ça peut s’accompagner aussi d’une forme de déchéance sociale : a-t’on vraiment envie d’engager une femme avec trois cheveux sur la tête? Considérée comme un « pas de bol génétique » chez les hommes, la chute de cheveux des femmes fait souvent peur. Il n’y a que les anglais de Thatcher et les israéliens de Golda Meier pour avoir accepté d’être gouvernés par une femme au cheveu clairsemé.

Alors qu’elle peut être liée à de multiples facteurs hormonaux, psychologiques et génétiques, l’alopécie est généralement vue comme un signe extérieur de cancer, et là, « pas-touche », les gens détournent souvent la tête. C’est plus que déprimant : ça peut rendre dépressive. Avant même de se sentir ou d’être rejetées, beaucoup de femmes se mettent en retrait, se retirent elles-mêmes de la course… ce qui, en anglais, correspond à l’expression « out of the picture. »

Cet idiome est sans doute à l’origine de l’idée créative de Proximity BBDO. Puisque Nioxin est l’une des très rares marques de produits capillaires professionnels à proposer des solutions qui marchent contre la chute des cheveux, elle a le pouvoir de remettre les femmes « Back in the picture » au sens figuré… mais aussi au sens propre.

Au travers de 4 histoires de femme qu’on me confirme être véritables (« croix de bois, croix de fer, si tu mens Nioxin etc… ») la marque partage une initiative assez perturbante. Avec l’aide d’un retoucheur professionnel, Nioxin réinsère les femmes (remarquez le jeu de mots) qui ont retrouvé leur chevelure (sous-entendu grâce à Nioxin) dans les photos de famille dont elles se sont elles-même exclues par honte de leur chevelure. Du retoucheur au coiffeur qui traite les cheveux de sa cliente avec Nioxin… on voit d’ici l’argumentaire de vente de la campagne aux salons et distributeurs de la marque.

L’opération est également relayée sur un site dédié www.backinthepicture.com où toutes les femmes peuvent tester l’expérience… Elles seront sans doute nombreuses, car plus de 50% des femmes passent au moins par des phases de perte de cheveux, y compris, tout simplement, après une maternité.

Pardonnez mon cynisme, mais j’ai beaucoup de mal avec les campagnes testimoniales : les témoignages des membres de la famille qui « complotent » pour surprendre la « malade » semblent sincères, le reveal des albums reconstitués est évidemment touchant, et les larmes abondantes. La sensibilisation passe ici par un petit peu trop de sensiblerie à mon goût. Et pourtant… Et pourtant de la chambre d’hôpital d’où j’écris cet article, j’ai du mal à soutenir le regard de la femme chauve devant moi. Mais peut-être que c’est là qu’est mon problème : un langage un peu trop proche de celui des maladies graves, voire mortelles.

Qu’en pensez-vous? Est-ce que l’idée plaide en faveur d’une meilleure intégration des femmes atteintes d’alopécie? En les photoshoppant  post-Nioxin dans leurs photos de famille, la marque ne leur dit-elle pas qu’elles avaient raison de se cacher? J’avoue ne pas être totalement convaincue, mais je préfère lancer le débat que de le passer sous silence. Car l’alopécie questionne notre culture du « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », et qu’aimer la pub, c’est aussi accepter qu’elle nous rende parfois un peu moins con.

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