Anne-Cécile Tauleigne, cherchez l’insight !

Petite fille, Anne-Cécile Tauleigne a joué avec les livres et a rêvé de rentrer dans la tête des gens. Elle est devenue conteuse de marques et chasseuse d’insight dans la pub. Elle n’a pas de permis de conduire, mais les voitures la poursuivront d’agence en agence, donnant un coup d’accélérateur à sa carrière. Mais pas que.Tout ce qu’elle touche se transforme en or, argent et bronze. Après son premier Lion cannois, Anne-Cécile les collectionne tout le long de sa carrière: pour « le verre de jus d’orange » et pour « le dentier » pour Air France, pour « le Quizz » pour la FNAC. Sans parler du Prix de la Presse Quotidienne pour Levi’s au Club des Directeurs Artistiques, celui pour le spot Audi 80 « l’accident », le prix de Affichage pour Golf « Pot de terre », le Prix Spécial du jury pour les campagnes Citroën, le Grand Prix Stratégies pour « Quizz », « le train » et « Jean-Luc et la BD », etc.

Franc parler et rire ouvert, Anne-Cécile Tauleigne sort du lot des publicitaires à la grosse tête. Pourtant sa carrière en fait rêver plus d’un. Nourrie au sein de Bill Bernbach chez DDB, elle a pris gout à l’insight pertinent et percutant. Dès qu’elle a mis un pied dans la pub, elle a démarré sur les chapeaux de roues avec Golf de Volkswagen : premier film « le père et l’enfant » et premier Lion d’argent à Cannes (1989). Passée par les plus jolies agences parisiennes (DDB, RSCG, BDDP, Euro RSCG Scher/Lafarge, FCB, Grey, BETC, Saatchi&Saatchi), Anne-Cécile Tauleigne fait partie des rares femmes à la tête de la créa des grandes agences de pub. Aujourd’hui, elle est aux manettes de la créa de la JWT. Son nom déclenche une avalanche de superlatifs chez ceux qui l’ont côtoyée et même chez ceux qui, à cause d’un chassé-croisé, l’ont ratée. Certains saluent « sa vitalité » et « son attitude » hors du commun. D’autres trouvent que son management est riche en humain. Les jeunes créas, sont rassurés par son côté « maman poule ». Elle bosse dur et plus fort que les hommes. Mais elle a une vraie vie, avec une famille, deux enfants et des tartes aux fruits. De quoi découvrir que la pub ne ressemble pas forcément à 99 Francs.

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Avec Anne-Cécile Tauleigne, pas de grattouilles ni de chatouilles. Elle n’a aucun stéréotype ni tic de pubard. Elle est cash ! Nous nous retrouvons dans un café-concept italien d’un quartier branché et elle répond à toutes mes questions avec chaleur et humour.

Quand j’étais petite, je voulais être… d’abord danseuse étoile, ensuite psychiatre.

Jeune ado, je me prenais pour… J’aurais aimé me prendre pour Jane Birkin.

Quand je serai grande, je serai… Directrice de Création.

Mon jouet préféré c’était… les livres.

Je suis rentrée dans la pub parce que… ce qui se passe dans la tête des gens m’intéresse et puis parce j’aime les livres, j’aime les histoires et j’adorais en raconter.

J’en sortirai parce que (quand)… on ne voudra plus de moi.

Dans ce métier, ce que j’aime c’est.. Tout. Travailler avec les Créatifs, échanger avec les Clients et au delà de tout, j’aime les marques.

Dans ce métier, ce que je déteste c’est… une certaine tendance à ne pas respecter les marques pour ce qu’elles sont et d’essayer de leur faire tenir un autre discours pour suivre une tendance, de viser trop haut jusqu’à se déconnecter du consommateur.

Dans la série Mad Men, j’aurais été… Peggy, évidemment.

Le trait de mon caractère qui énerve les créatifs c’est… je suis assez maternante, genre maman poule, un coté un peu mère italienne.

Le trait de mon caractère qui énerve les clients c’est… un jour Rémy Babinet m’avait dit que quand je ne suis pas d’accord avec le discours d’un client, ça se lit trop sur mon visage. Alors que moi j’ai l’impression d’être « poker face ». 

La veille d’une présentation importante… je révise comme si j’allais passer un examen.

Pendant les très longues réunions… je participe, c’est rare que je m’ennuie et je ne les trouve jamais trop longues.

Entre les voitures et moi… c’est une super longue histoire d’amour, je n’ai pas de permis, je n’ai jamais conduit une voiture, mais ça fait plus de 20 que dans toutes les agences où je suis allée, j’ai travaillé sur des budgets voitures.

J’ai toujours eu une devise… j’adore « Si une mauvais campagne vend autant qu’une bonne, alors pourquoi en faire une mauvaise ? » Ca parait un peu bête, mais c’est hyper vrai.

Mon gros mot préfère… Oh putain !

Le gâteau que j’aime préparer… Les tartes aux fruits.

Le film que j’ai revu 10 fois… Il y en a plein… (elle réfléchit) Apocalypse Now.

Si je devais choisir entre ma carrière et ma famille… La famille.

Mes amis m’aiment parce que… Je suis loyale et sans posture et je n’ai pas changé d’attitude depuis que je fais ce métier.

Mes ennemis me détestent parce que… pareil parce que je suis cash, mais je ne suis pas sûre d’avoir beaucoup d’ennemis. Les inimitiés se calment vite car on en parle et ça se résout tout de suite. (sourire)

Mon plus grand moment de solitude a été… maintenant. (sourire)

Mon plus grand regret est de…ne pas être parfaitement bilingue en anglais.

Mon plus grand remord est… d’avoir été dans des agences où je n’aurais pas dû aller, je pense.

Cannes pour moi… a été beaucoup de choses et ça ne l’est plus. Quand j’ai démarré dans la pub, j’ai fait mon premier film et j’ai gagné mon premier Lion. Je ne me rendais même pas compte de l’importance du prix, c’était la première fois et c’était assez drôle. Maintenant c’est tellement différent, tout est tellement préparé, il y a tellement de catégories qu’il y a beaucoup moins de surprise,  d’imprévu. 

Ce que j’aime chez les jeunes créatifs c’est… Je les trouve très cultivés, très courageux très débrouillards, pas avares de leur talent et de leurs idées, partageurs, pas grosse tête, rien à voir avec les trentenaires ou les quarantenaire. C’est intrinsèquement une génération géniale, très chouette. Ils ont un esprit très sain, une mentalité de co(o)loc’.

Ce que je n’aime pas chez les jeunes créatifs, c’est… parfois, une foi et une dépendance trop grande à la culture internet qui ne nous apprend pas grand chose. Car ça ne sert à rien de reproduire ce qui a déjà été fait. Il faut faire autre chose. Très souvent, ils sont fascinés comme un lapin dans les phares.

A 50 ans, on a « raté sa vie » quand… on n’est pas heureux là où on est.

La campagne dont je suis l’auteur et dont j’ai honte… Un film fait chez Grey pour Club Internet (remember cette marque d’avant le all Google ?). Une histoire de cube magique, totalement incompréhensible, un poil prétentieuse en plus, avec une sorte de sosie approximatif de Gainsbourg dans le rôle principal. Comment le truc avait pu passer le client et les tests reste un mystère ! 

La campagne que j’aurais aimé faire… Lurpak. La stratégie est brillante, l’insight super fort, les films et les prints sont splendides et font de l’acte de cuisiner une odyssée épique : ça prouve qu’on peut faire du food hyper créatif en restant sur la vérité produit, ça me bluffe (et pas que moi d’ailleurs )
Le DC (ou le publicitaire) avec qui j’aurais aimé travailler… Pas trop de frustration de ce côté-là… en 30 ans de pub, j’ai rencontré tellement de personnes brillantes qui m’ont tant appris… je ne vais pas dire Don Draper, mais quand même j’aurais adoré commencer dans ce boulot à l’époque de Bill Bernbach. Et bosser pour lui !

Je pense que la parité entre hommes et femmes dans la pub… est très variable selon les agences, les métiers, les gens. Personnellement, je n’ai jamais eu le sentiment d’être pénalisée en tant que femme. Enfin bon quand même, je n’ai jamais vraiment pris mes congés maternité (genre je pars une semaine avant d’accoucher et je reviens dix jours après). Mais c’était mon choix. Pas parano, mais pas trop confiante non plus.

A ceux qui disent qu’il faut coucher pour arriver… Il faut surtout coucher pas mal d’idées sur le papier pour arriver à en trouver une bonne non ? Je vais citer un de mes DC s’adressant à une créative qui avait beaucoup utilisé son capital séduction et qui atteignait la quarantaine: « Maintenant que tu es moins jolie, il faudrait tâcher d’être intelligente. » Les bons conseils sont parfois cruels.
Minibio : Diplômée de l'UCAD (Union Centrale des Arts Décoratifs), Anne-Cécile Tauleigne a commencé sa carrière comme concepteur-rédacteur junior chez Philippe Lorin (de 1983 à 1986) puis chez DDB Needham (de 1986 à 1989). Concepteur-rédacteur chez Euro RSCG de 1989 à 1990, elle a ensuite été nommée au même poste chez Australie (1990) puis DDB (1991-94). En 1994, elle intègre Euro RSCG Scher Lafarge en qualité de Team senior, poste qu’elle occupera également de 1997 à 2000 au sein de DDB. Elle est nommée Directrice de Création chez FCB sur le budget Monoprix en 2000 puis Directrice de Création chez FCB sur l’ensemble des budgets de l’agence en 2001. L’année suivante, elle rejoint Callegari Berville Grey au poste de Directrice de Création sur l’ensemble des fragrances Procter (Boss, Hugo, Lacoste, Yoji Yamamoto, laura Biagiotti). En 2005, en association avec un autre Directeur Artistique Bruno Nguyen, elle crée The Cool Brains Society, société de freelance. Anne-Cécile devient en 2007 Directrice de Création Groupe de CRM Company Group. De 2009 à 2012, elle occupe les fonctions de Directrice de Création chez BETC Euro RSCG en charge du compte Peugeot Worldwide. Nommée  Directrice de la création de Saatchi&Saatchi, elle quitter l'agence deux ans après pour rejoindre JWT où elle occupe actuellement la fonction d'executive creative director.
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3 réflexions au sujet de “Anne-Cécile Tauleigne, cherchez l’insight !”

  1. Il nous manquaient tes ITW des grands de la pub. Je les attends toujours avec impatience parce qu’on découvre la face cachée du décor. Ca fait plaisir de savoir qu’il existe des DC femmes dans la pub puisque que j’ai toujours entendu dire que les filles arrivent rarement à atteindre des postes de commandement même dans la publicité. Talentueuse, intelligente et vraie. Bravo à Anne-Cécile et bravo à toi pour ce joli billet !

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