La technologie, opium de l’Humanoïde moderne ?

Nous sommes tous des drogués. Et vous, c’est quoi votre came ?

Drôle et forte, la nouvelle campagne Humanoïde signée Gloryparis continue de nous surprendre avec son ton humoristique et provocateur qui fait déjà partie de son ADN (Humanoïde n’en est pas à son coup d’essai). Ses visuels minimalistes détournent de grands noms et les logos du monde de la technologie. Les jeux de mots et les images qui les accompagnent font sourire et nous impliquent par la même occasion : qui ne se sent pas concerné par les noms cités ?

Humanoide 1Humanoïde, c’est un trimestriel tout neuf (seuls cinq numéros sortis à ce jour), qui se décrit comme un « magazine de société sur les nouvelles technologies ». A l’heure du tout numérique, éditer un magazine en version print était forcément un pari risqué. Attirer un lectorat qui accepte de se détourner de ses écrans pour feuilleter quelques pages demandait donc une campagne qui marque.

Cette campagne s’adresse à la cible la plus large qui soit : les accros aux technologies. A vous aussi donc, le nez collé à votre écran pour lire cet article ! Que votre came soit plutôt Apple ou Samsung, Twitter ou Facebook, ne change rien : on est tous (ou presque) incapables de ne pas jeter un coup d’œil à notre smartphone toutes les deux minutes. Cette dénonciation du « tout-numérique » au détriment du papier, allant parfois jusqu’à de graves dérives (on voit apparaître de nombreux centres de désintoxication aux nouvelles technologies : la campagne de Gloryparis n’est pas seulement une métaphore) s’inscrit dans un contexte on ne peut plus actuel.

D’autres campagnes s’étaient donné pour mission de jouer sur les dérives modernes, toujours sur un ton humoristique. Ainsi, Leo Burnett avait conçu une publicité en 2013 pour le Trèfle, montrant, dans un tout autre genre, que les écrans ne peuvent pas tout faire… Et récemment Yves Saint Laurent a été détourné en Yves Sans Logement par l’association Aurore pour attirer l’attention sur la condition des sans-abris.

Humanoide 3Humanoïde joue sur l’ambivalence de ses propos. Dénoncer l’addiction aux technologies, promouvoir le papier, pour vendre un magazine… sur la technologie ?! Humanoïde montre par là que la passion du numérique et son emprise galopante sur notre société ne sont pas incompatibles avec une utilisation modérée de ces moyens, et la sauvegarde des anciens supports. La promesse d’Humanoïde, c’est de montrer que le digital peut s’utiliser de manière intelligente – et que sa consommation effrénée et irréfléchie n’est pas une fatalité. C’est une vision critique sur l’univers du numérique. Non pour le dénoncer comme le mal du XXIe siècle, mais plutôt pour le désacraliser et le remettre à sa place : un outil au service de l’Homme et contrôlé par l’Homme, et non l’inverse. On se souvient du précepte de Lanza del Vasto : « Si un outil t’est utile, sers-t’en. S’il t’est indispensable, jette-le. »

Il ne s’agit pas d’une campagne de prévention, même si le message qu’elle délivre semble particulièrement pertinent. Elle permet de mettre en avant leur nouvelle baseline : « La technologie est l’opium du peuple » (selon Marx, la religion était l’opium des peuples, mais les temps ont bien changé depuis. Ou désormais, c’est la data que l’on vénère…). Une invitation à réfléchir sur notre comportement vis-à-vis de tous ces objets connectés et autres réseaux sociaux, sur un ton qui se veut léger et non accusateur, ce qui n’est pas le but.

Humanoide 5Mais peut-on rire de tout ? En communication, où l’image compte plus que tout, rien n’est moins sûr… Arnaud Le Bacquer, co-directeur de Gloryparis, avait déclaré que l’image de Mac et consort était trop solide pour que la campagne altère leur image. Une supposition tout à fait fondée : même si la campagne fait sourire, qui la prendra réellement au sérieux et décidera de se sevrer ? De plus, cette campagne pouvait être l’occasion pour les cinq sociétés de rebondir, et de, pourquoi pas, se donner l’image d’une marque dynamique capable d’autodérision. Apple aura été la première à montrer qu’elle n’en est pas une. En effet, n’espérez pas voir le visuel de « caM » dans certains kiosques : Mediakiosk, filiale de JC Decaux, a refusé de lui-même de colporter cette affiche, sur incitation de la pomme. La campagne d’Humanoïde aurait-elle touché un point sensible ? Doit-on parler de censure ?

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