La Corée du Sud, crevette monstrueuse de l’e-commerce

Naver et Asiance ont profité d’une petite virée parisienne pour passer chez BETC et raconter ce qui fait le succès de l’e-commerce en Asie.

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« Nous sommes intoxiqués par le Web ». Le constat de Bosun Kim, Co-CEO de Asiance, agence digitale spécialisée dans le marché asiatique, est on ne peut plus vrai. En l’espace d’une dizaine d’année, l’Internet a totalement conquis le globe, et, à côté, Genghis Khan, Alexandre le Grand ou Napoléon Bonaparte, font pâle figure.

Aujourd’hui, le Web n’est plus seulement un gargantuesque système d’information, c’est un monde à part entière où nous vivons en tant que citoyens digitaux. Avec l’avènement des nouvelles technologie et l’essor d’innovations révolutionnaires qui changent progressivement la façon dont nous vivons, la digitalisation déteint de plus en plus sur nos habitudes, permettant ainsi à l’e-commerce de grignoter petit à petit le territoire des grandes surfaces et petits commerces. Si l’on commence peu à peu à perdre nos moyens face aux manières séduisantes de ce nouvel envahisseur en Europe, on a depuis longtemps cédé au charme de l’e-commerce en Asie.

C’est justement le thème de la conférence organisée par la section digitale de BETC, le Mardi 24 Mars, au sein de ses locaux. Mis en appétit par un succulent petit-déjeuner, nous prenons place pour savourer le plat principal : les présentations successives d’Asiance et Naver, moteur de recherche coréen devenu un véritable ogre de l’e-commerce.

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Un marché représentant plus de 765 milliards de dollars, porté par la Chine, qui respire le Web avec plus de 660 millions d’internautes et dont le taux de pénétration n’est « que de 50% ».

Ce sont les « fun facts » évoqués par Ludovic Mao, directeur des opérations chez BETC Digital, illustrant le potentiel immense de l’e-commerce en Asie. Mais si la Chine et le Japon ont pour l’instant la part belle du gâteau, ils ne pourront pas s’en délecter à souhait. Derrière eux, « la crevette », surnom historique de la Corée, est affamée et lorgne avec insistance le marché en question. Japon et Chine peuvent se faire du mouron puisque leur concurrent du Sud est un hybride, qui, tout en ayant subi l’influence des USA venus à leur aide durant la guerre de Corée, a également su s’inspirer de la culture asiatique, notamment le confucianisme chinois, et acquérir une conscience collective remarquable.

Ce curieux mélange lui permet aujourd’hui d’exercer une influence plus qu’importante en Asie, notamment grâce à l’Internet. Si New York est connue comme la ville qui ne dort jamais, Séoul est la ville qui ne se déconnecte jamais. L’internet est présent partout et tous les foyers carburent au très haut débit, de quoi verser une larme quand, à Paris, la fibre optique est encore une question « d’éligibilité » ! Même dans les métros, les coréens bénéficient d’un Wifi gratuit, dont ils peuvent profiter pleinement puisque 70% des téléphones vendus en 2014 ont été des smartphones. On voit donc que Bosun Kim ne blaguait pas quand elle parlait d intoxication !

IMG_0418Avec des services de livraisons d’une efficacité redoutable (livraison en 1 jour) et des modes de paiement en voie d’être grandement facilités, il paraît donc normal que les coréens soient des adeptes de l’e-commerce et qu’ils pointent à la première place des acheteurs en ligne. Férus de produits étrangers (notamment français!), ils se tournent aujourd’hui vers le « cross-border shopping » puisque les sites coréens ont un panel de produits trop limité et surtout beaucoup plus cher que la plupart des sites internationaux.

Le seul problème, c’est le manque d’accès aux informations et contenu dans leur langue et des plateformes trop peu adaptées à ceux-ci. Chose que les organismes locaux en Corée du Sud ne comprennent que trop bien, d’où leur succès. On pense notamment à Afreeca, concurrent de Youtube, Kakao, le messenger national, Cyworld, Facebook coréen, ou encore Naver, rival de Google. C’est justement Naver qui est sous le feu des projecteurs dans l’écosystème digital très spécifique de la Corée, se classant à la sixième place parmi les plus grandes marques de Corée du Sud, où Samsung trône en maître incontesté.

Aujourd’hui Naver, c’est un peu ce village d’irréductibles gaulois sur-dopé à la potion magique, où seulement 10% de la population utilise Google. Au vu de ce constat, on ne peut s’empêcher de se demander comment il est possible que le géant américain puisse se retrouver dans cette situation.

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La parole à Jaeseung Kwon, general manager chez Naver, et son équipe, pour décortiquer le succès du « search engine » made in South Korea. Pesant aujourd’hui dans les 25 milliards de dollars, Naver a vu le jour en 1999. La clé de son succès est simple : observation et opportunisme. En observant le comportement des coréens lorsqu’ils naviguent sur la toile, en comprenant leurs attentes et en observant leurs sources d’intérêt sur le marché digital, Naver a su parfaitement s’adapter et proposer une plateforme et des services totalement appropriés à sa cible.

Aux antipodes de Google, qui mise sur un design plutôt minimaliste sur sa front page, Naver revendique une variété de contenu (tout en coréen, bien évidemment) sur la sienne qui sert de sujet de conversation au quotidien et devient donc un facteur de sociabilité et sociabilisation. Le moteur de recherche coréen détient également la parfaite maîtrise de la publicité sur internet, qu’il utilise avec dextérité afin de toucher les bonnes audiences, jouant habilement sur le processus de décision d’achat et assurant ainsi des ventes à foison aux marques qui y figurent. Naver sait que les coréens idéalisent vraiment les blogueurs, qui font office de modèles et influencent la consommation. Les habitants de la « crevette » ont, en effet, l’habitude de consulter les blogs avant d’acheter, afin de se rassurer avant de dépenser. En lançant les « Power Contents », le moteur de recherche fait la promotion de billets de blogs lorsqu’un individu cherche un contenu particulier sur Naver. *Bruit de la caisse qui s’ouvre* Par ici les sousous !

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En 15 ans, Naver est devenu une plateforme indispensable aux coréens, de quoi donner des sueurs froides à Google qui peine réellement à faire des étincelles. Des chiffres à la clé : 160 millions de pages vues chaque jour, 40 millions d’utilisateurs, 75% de parts de marché sur ordinateur et 77% sur mobile pour Naver, contre 3,9 % sur ordinateur et 11% sur mobile pour Google. Plus rapide que « The Greatest » contre Sonny Liston, Naver vole comme un papillon et pique comme une crevette belliqueuse !

Si vous êtes déjà sur le cul, préparez-vous à vous rouler par terre. En plus d’être un moteur de recherche, Naver a également créé deux autres entités. La première, nommée Band, est un réseau social qui a pour but de concurrencer Facebook. Avec plus de 30 millions d’utilisateurs en 2014, celle-ci semble prometteuse. La deuxième, nommée Line, est une application de messagerie instantanée comptant plus de 500 millions d’utilisateurs dans le monde, permettant d’appeler, de s’envoyer des messages gratuitement, de jouer à des jeux, d’écouter de la  musique et de diffuser de la publicité. En plus de toutes ces fonctionnalités, l’application comprend un « centre commercial virtuel » et des Line deals, qui donnent droit à des promotions sur certains produits.

Que les acteurs du marché se méfient, Naver et la Corée du Sud sont présents sur tous les fronts et comptent bien à ce que cette « hallyu » digitale se propage dans le monde entier. « When wales fight, the shrimp’s back is broken » dit un ancien proverbe coréen. Aujourd’hui, la crevette a le ventre qui gargouille et sa faim est insatiable !

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