Et si on interviewait Nicolas Bordas ?

Par Brice Blanquier

Président de TBWA pendant trois jours.

C’est non sans une certaine émotion que je pénètre dans le bureau d’un des plus grands Monsieur de la communication, Nicolas Bordas, Président de TBWA France.
Un bureau à son image, sobre, simple, vide de toute prétention car, malgré son agenda chargé, il prend le temps de recevoir un modeste étudiant en communication.
Ici seules dominent la culture, avec le pan de mur chargé de livres, et la technologie, avec un IPad d’où il gère ses différents comptes Twitter et les deux immenses écrans de TV placés côte à côte qui ont été utilisés la veille au soir pour une vidéo-conférence avec Los Angeles, New York et Berlin.

Et si un cours de deux heures marquait une vie ?

Tout a démarré à l’ESSEC. En se rendant à un cours auquel il n’était pas inscrit, Nicolas Bordas rencontre Alain Poirée, président de Dupuy Compton, qui a fait venir Philippe Michel, le charismatique fondateur de CLM/BBDO, pour présenter, entre autres, sa campagne « strip-teasing de Myriam ». Ce furent ces deux heures et cette double rencontre qui marqueront sa vie. En 1982, Nicolas Bordas, qui venait d’être engagé comme chef de produit chez Nestlé, quitte la marque Maggi pour rejoindre Alain Poirée chez Dupuy Compton (devenu Saatchi & Saatchi), où il travaillera, entre autres, avec Daniel Morel (aujourd’hui patron mondial de Wunderman), Marie-Catherine Dupuy (Créatrice de BDDP), Mercedes Erra (aujourd’hui Fondatrice et Présidente de BETC) et Natalie Rastoin (aujourd’hui Directrice Générale d’Ogilvy). Quelques années plus tard, il rejoint Philippe Michel chez CLM/BBDO, puis Marie-Catherine Dupuy et Jean-Marie Dru chez BDDP, devenu TBWA.

Et si on aidait Nicolas Bordas à reprendre le piano et le tennis ?

Aujourd’hui, Nicolas Bordas est Président de TBWA France avec des fonctions mondiales, membre du COMEX de TBWA Worldwide, et Président mondial de BEING (2e réseau mondial de TBWA). Son enjeu principal, c’est la croissance et le management général du groupe. A ce titre, il doit également valoriser TBWA, ainsi que la culture Digitale. A côté de ça, il est Vice-Président de l’AACC, après en avoir été le Président (2009-2011). Il est aussi professeur à Sciences Po. Et auteur du livre « L’idée qui tue ». Il revendique aussi ses attaches à l’Auvergne de manière très fun : il fédère les internautes et aide les « Bougnats » à valoriser ce qui est fait dans la région à travers Owwernia, qu’il a créé avec Béatrice Duboisset. Il anime aussi un blog de qualité où il essaie de tenir le rythme d’un article par jour en prenant sur son temps personnel. D’ailleurs, si vous voulez lui faire plaisir, n’hésitez pas à lui envoyer l’idée du jour en prenant soin d’y ajouter la touche disruptive, qui est aussi sa signature et celle de TBWA : « Et si… ». Pareil pour son émission sur I-tv (mardi à 23h30) pour laquelle il a besoin d’un Top et d’un Flop, d’un In et d’un Out. Cela pourrait vous valoir d’être cités par Nicolas Bordas lui-même, ce n’est pas rien ! Et lui permettra de trouver enfin un peu de temps pour reprendre le piano et le tennis.

Et s’il avait créé un cours de Disruption pour les Nuls ?

C’est suite à la lecture d’Edgar Morin, LA METHODE. TOME 4, qu’il a décidé d’écrire son livre « L’idée qui tue ». Il a voulu retravailler et illustrer de façon simple et compréhensible, les concepts un peu intello de « noologie » développé par E. Morin pour que les gens voient l’intérêt et la richesse de cette analogie sur les idées qui vivent car « les idées sont des êtres vivants qui passent de cerveau en cerveau », et pour la croiser avec « la disruption » de Jean-Marie Dru. Pour que cela soit utile aux gens qui ont une association, une PME, etc. Un cours de Disruption pour les Nuls, en somme.

Et si nous devenions tous – humanistes planétaires- ?

Sa philosophie de vie, c’est « l’humanisme planétaire ». « Je suis pour un environnement au service de l’humain et pas un humain au service de l’environnement », dit-il.
Nicolas Bordas vit le monde comme à la fois génial et en danger. « Un côté planète en perdition. Je partage l’avis d’Edgar Morin, que si l’on n’élève pas la conscience humaine et universelle, la planète va s’éteindre bien avant que notre soleil ne s’éteigne… »

Et si Nicolas Bordas nous conseillait quelques livres pour Noël ?

C’est quoi l’Idée ? de Anne Thévenet-Abitbol à partir des aphorismes de Philippe Michel
Le monde n’a plus de temps à perdre, le Collegium International (Mireille Delmas-Marty, Michael W.Doyle, Stéphane Hessel, Bernard Miyet, Edgar Morin, René Passet, Michel Rocard, Peter Sloterdijk)
The art of the idea, John Hunt, patron créatif de TBWA en Afrique du Sud
La Méthode. Tome 4 d’Edgar Morin : Les idées, leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation
« Sans oublier bien sur, Langue de Pub de notre amie Babette Auvray Pagnozzi, que j’ai eu l’honneur de préfacer ! » 😉

Et si on posait une série de questions rush à Nicolas Bordas ?

Lejoursanspub.fr : Quel est le pire jour dans votre métier ?’

Nicolas Bordas : « Le jour où j’ai perdu la compétition Orange avec une campagne meilleure que celle qui est sortie ! http://www.youtube.com/watch?v=z4i_1n90NGo
On avait le même concept, ‘Be open’ et une campagne et des films ‘cannonissimes’ et on perd… Et là, j’ai un vrai traumatisme. Je fais ce métier pour que les meilleures idées gagnent ! Quand je perds une compétition et que je vois sortir une très bonne campagne, à chaque fois je me dis « Wahou ! bien joué, c’est mérité, on aurait dû être meilleur », au nom de ma croyance dans les idées. Et là, j’avais déplacé le monde entier et même fait venir John Hunt d’Afrique du sud, et on se fait battre. Ca ne me dérange pas que ce soit Fred & Farid, qui ont du talent, et qui étaient à l’époque chez Publicis, mais là, n’importe quel être humain aurait pu voir que la campagne gagnante était inadaptée par rapport au brief donné par le client et ça n’arrivait pas, de mon point de vue, à la cheville de ce qu’on avait présenté… Ce fut mon jour sans pub ! J’ai été au fond du trou pendant trois mois ! »

Lejoursanspub.fr : Et le meilleur ?

NB : C’est le fait d’avoir gagné un prix à Cannes et un prix EFFIE sur le même film, la même année, ce qui est pour moi la parfaite démonstration que la créativité paie. C’est ce qui est arrivé pour notre campagne Manix, l’Empreinte, signée BDDP&Fils, et c’est ce que j’aimerais obtenir tout le temps ! »

Lejoursanspub.fr : Votre Idée qui tue ?

N.B. : Pour moi, la vraie Idée qui tue du XXIème siècle, c’est une idée qui sauve… le monde. C’est l’idée de faire progresser la gouvernance planétaire. Comment régler pacifiquement des problèmes planétaires et pas que les problèmes nationaux ! L’idée qui tue et l’idée qui sauve, pour moi ce serait une nouvelle organisation mondiale qui prendrait en charge ce que l’ONU aujourd’hui ne peut pas faire… Utopiste mais nécessaire.

Lejoursanspub.fr : L’Idée qui tue de cette année ?

N.B. : Dans la com’ cette année, on est obligé de dire Redbull ! Ceci étant, j’ai quand même une question qui me taraude :’Comment Redbull aurait géré la mort accidentelle du héros Baumgartner ?’. J’ai lu d’ailleurs un tweet assez rigolo qui disait ‘ et s’il vomit dans son casque, est-ce qu’il meure ? ’, question pleine de bon sens ! J’imagine qu’ils avaient un plan, qu’ils avaient prévu quelque chose, ils auraient probablement invoqué le droit au risque. Mais comme disent les anglo-saxons : ‘high risk, high return’»

Lejoursanspub.fr : L’Idée qui tue des années 2000 ?

N.B. : « Pour moi c’est le bug de l’an 2000 parce que c’est une idée qui n’a pas eu lieu ! C’est une Idée qui Tue dans le sens ou elle avorte, on a oublié l’angoisse du bug de l’an 2000. C’est assez rigolo cette histoire. L’idée qui pschitt c’est le bug de l’an 2000 ! »

Lejoursanspub.fr : L’Idée qui tue du siècle dernier ?

N.B. : C’est compliqué parce que c’est un siècle incroyablement riche en progrès technique : l’énergie, les transports, la médecine, l’informatique… Mais pour simplifier, l’Idée qui tue tout est apparue à la fin du siècle dernier : c’est internet !

Lejoursanspub.fr : Et si l’on pouvait communiquer avec nos descendants lointains (extrait du livre), vous leur diriez quoi ?

N.B. : Je leur dirai : « Préoccupez-vous de l’avenir de vos descendants lointains. »

Lejoursanspub.fr : Et à vos ancêtres ?

N.B. : Je leur dirai surtout « Merci ! »

Brice Blanquier : Vous avez été directeur pendant trois jours de mon école, l’ECS. Et si je devenais Président de TBWA pendant trois jours ?

N.B. : Pourquoi pas… Vis ma vie de Président, je trouve ça plutôt sympa ! On pourrait même en faire une émission de télé-réalité. Je pense que cela contribuerait à modifier, j’espère positivement, l’image du métier.

Affaire à suivre …

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5 réflexions au sujet de “Et si on interviewait Nicolas Bordas ?”

  1. « Vis ma vie de Président », ce serait une superbe idée. Dans la pub, chez un constructeur automobile, chez GDF, etc. On comprendrait peut-être pourquoi certains sont si bien payés et, malgré ça, on aimerait pas être à leur place.

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