Macadam, plus on le lit et moins on le pietine

La seule chose promise d’avance à l’échec, c’est celle que l’on ne tente pas. Paul-Emile Victor

macadam

Le jour, il est journaliste au magazine Viva. La nuit, il tricote des rêves. Entre les deux, il soulève les montagnes. Il s’appelle François Fillon, mais son ambition n’a rien à voir avec celle du Premier ministre. Il se bat pour que les plus démunis retrouvent leur dignité. Ses yeux pétillent pendant qu’il me raconte Macadam.

C’était le premier journal francophone de rue, il aidait les gens à s’en sortir. Petit à petit, d’autres ont suivi. Puis disparu, les uns derrière les autres. Certains n’arrivaient pas à équilibrer leurs comptes, d’autres perdaient de l’argent. D’autres encore se sont fait la malle avec l’argent des plus démunis. Il en reste un seul, à Paris. Pourtant les gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois sont de plus en plus nombreux.

Certains parmi eux, des anciens vendeurs, ont été voir François pour lui demander de relancer le journal. Ils pensent que la précarité peut être provisoire lorsqu’on a un tremplin pour rebondir. Et c’est comme ça qui est née l’association, Les artisans du Macadam, dont même le président c’est aussi un ancien vendeur qui s’en est sorti. François a commencé par bricoler un journal. Mais comment faire réellement renaître Macadam de ses cendres ? Comment redonner de l’espoir et de la dignité à tous ceux qui ont envie de s’en sortir ?

L’histoire est magnifique, mais le pari est fou. Parce que, soyons réalistes, pour l’instant il n’y a ni argent, ni partenaires, ni pub, ni locaux, ni logistique. Et pour compliquer encore un peu plus les choses, le Macadam, celui qui n’existe pas encore, doit partir à l’impression dans trois semaines. Parce que c’est en janvier que Macadam pourra profiter de l’aide de « reporters d’espoirs », d’un cahier spécial et de l’attachée de presse qui va avec.

Trois semaines pour ressusciter un magazine, pour faire jaillir son âme, sa vérité, lui façonner une robe sur mesure, lui donner des couleurs, lui construire une identité, lui trouver une forme, un logo, un ton, une typo, une signature… c’est de la pure folie. Sans compter qu’il faut trouver des journalistes, des photographes, des illustrateurs, un directeur artistique, un maquettiste, tous bénévoles, évidemment. Si on ôte les week-ends ça se résume à 15 jours à tout casser.

Et si on enlève mes missions, mes deux blogs, mon projet JSP et ma vie perso, il ne reste plus grand chose. Il faudrait être complètement fous pour penser qu’on a une chance. Mais il faut croire que François et moi, nous avons le même faux pli dans la cervelle. Allez, je marche !

J’ai l’habitude de monter des super-équipes en un rien de temps. Celles qui répondent le mieux à la problèmatique des clients. Pour la stratégie de communication, je connais des grosses têtes et des petites mains. Pour commencer il me faut un planneur stratégique, un directeur de clientèle « stratège » et un chef de pub. Et des petites graines de commerciaux pour nous aider. Moi, je prendrai en charge la stratégie, la direction de la création et celle de « l’orchestre ». Mais sans euros et sans carotte, ce n’est plus la même musique.

La réaction est unanime « Tu tombes mal, j’aurais bien aimé, mais je suis débordé ! » Je me retrouve donc avec moi, moi et moi. Pas question de laisser tomber pour autant. La super équipe donc sera « moi ». Allez, il y a les nuits et les week-ends. Et il y a aussi Thierry, le directeur artistique qui partage ma vie. Je n’aime pas mélanger pro et perso, mais qui mieux que lui peut oser la création, tout en restant exigeant et minutieux dans la mise en page et la finition ? De plus, il a été journaliste dans une autre vie. Ce qui lui donne un troisième œil sur les pages. Mais Thierry travaille en agence. Dur de recommencer après une longue journée… mais bon, parce que c’est Macadam, parce que c’est moi, il finit par dire oui. C’est parti ! Comme dit notre président « Travailler plus, pour gagner moins ». Ah, ce n’est pas ça ? Tant pis pour moi.

La petite valse des casquettes commence. Et un, je plonge dans la stratégie de communication : contexte, aspects socio-psychologiques, territoire des journaux de rue en France et à l’étranger, analyse de la communication passée de Macadam et de celle de ses concurrents, concurrents directs et indirects, diagnostique de l’image, forces et faiblesses, positionnement, objectifs à court et à long terme, cibles…

Et deux, je change de casquette. De la stratégie de communication à celle de création. Tiens, celle-ci me va comme un gant. Pas étonnant, c’est la mienne ! J’analyse le portrait chinois de Macadam, je réfléchis, je cherche son ADN, ses principes, ses valeurs, son état d’esprit. Mes neurones crépitent pendant que j’essaie de saisir son âme. J’ai travaillé pour des gros clients, mais jamais en 20 ans de carrière, j’ai eu un tel challenge à relever. Macadam ce n’est pas un produit, ce sont des hommes, des vies. Je n’ai pas le droit de me planter. Il faut croire que je suis destinée à construire des ponts. Celui-ci mène de la rue à la vie.

Et voilà que le parti pris créatif s’impose comme une évidence : nous allons prendre le contre-pied, casser les codes établis, être là où personne ne nous attend. On imagine un magazine misérable, triste, traitant uniquement des problèmes graves de la société et mettant en scène la réalité tragique des plus démunis ? On découvrira un magazine positif, souriant, courageux avec un contenu collant à l’actualité et une couverture gaie et moderne.

On imagine un vieux torchon qu’on achète par pitié et qu’on met à la poubelle ? On découvrira un magazine de qualité que les vendeurs seront fiers de proposer et les acheteurs contents de lire. La compassion humaine est à géométrie variable. Seul une véritable qualité rédactionnelle et un esprit gagnant vont permettre de fidéliser les lecteurs. Macadam sera le reflet de l’esprit de ses vendeurs et de ses créateurs. Ce sera la qualité, pas la charité. Et aussi l’info sans le poids des maux. Ce sera le journal qui fera oublier l’image des journaux de la rue. Le ton est donné.

Et trois. J’enfile la casquette de conceptrice-rédactrice et je cherche des signatures pertinentes et impertinentes, justes et inattendues, cohérentes et décalées. Puis j’écris ma réco.

Je présente mon travail à François. Il adore et il adhère, immédiatement. Il retrouve l’esprit du journal qu’il a toujours imaginé : courageux, positif, sexy et pas anxiogène pour deux sous. Un journal qui ne veut surtout pas culpabiliser les gens et qui colle parfaitement à l’ètat d’esprit des vendeurs. Bien, maintenant il ne nous reste que deux semaines pour donner une forme aux rêves.

POST-IT : Et pour le « Jour sans pub »… Nous sommes plus de 360 sur Facebook. Venez nous rejoindre 😉 http://www.facebook.com/group.php?gid=28980611893

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10 réflexions au sujet de “Macadam, plus on le lit et moins on le pietine”

  1. Tu as toujours étré hors normes. Tu as du talent, de l’intelligence et de l’enérgie à revendre. Je t’ai déjà vu en action. Tu es wonderwoman et une agence de pub à toi toute seule. Je suis sur que tu vas y arriver. Nous sommes avec toi!!!

  2. C’est très intelligent de prendre le contre-pied. Votre stratégie est excellente et courageuse. Vous avez raison, la compassion humaine est à géométrie variable, on a envie de faire un geste de temps en temps, à Noël par exemple, mais un bon magazine peut fidéliser les lecteurs. Bravo !

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