Homo avec humour

Homo ? La pub entre tabous et respect de la différence.

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Domenico (Dolce) & Stefano (Gabbana) sont gays et la leur est une longue histoire d’amour. 19 ans de vie commune, ça compte ! Quoi de plus logique, pour la pub Dolce & Gabbana, de mettre en scène ce qui les touche de près : l’amour homo. Le film se termine sur un baiser gay à effet miroir. Un clin d’œil pertinent et impertinent à son « double ». Ce spot qui met en scène l’homosexualité a été accueilli sans l’ombre d’une polémique.

Pourtant, il y a trois ans, une affiche homo conçue pour Rainbow attitude, le Salon des gays et lesbiennes, avait provoqué un raz-de-marée. Allongés au soleil, sur un matelas pneumatique bleu, ils s’embrassent avec volupté. L’accroche ? « Ça change quoi, pour vous ? Parce que pour nous, c’est important.« Rainbow attitude Le jour sans pub

En effet, ça a changé beaucoup de choses pour beaucoup de personnes. Refusée par Metrobus et interdite par le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité devenu depuis ARPP Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), l’affiche a lancé un débat sans issue entre ceux qui voulaient l’interdire et ceux qui accusaient la censure de position homophobe. L’affiche était devenue un symbole de la liberté d’expression et du respect de la différence et a fini par être diffusée grâce à l’intervention de la Halde (Haute autorité contre les discriminations). Un forcing qui n’a pas plu à tout le monde. La réaction du grand public n’a pas tardé à se faire sentir. Beaucoup d’affiches dégradées, taguées et remplies d’insultes. Tandis que certains criaient à l’homophobie.

Et voilà que trois après, le spot Dolce & Gabbana passe comme une lettre à la poste. Juste quelques plaintes. Et cette fois ce n’est même pas la mise en scène de l’homosexualité qui est remise en question, mais le principe déontologique de la protection des jeunes enfants. Après examen, le BVP délivre un avis favorable, sans restriction de diffusion. Une véritable révolution !

Si les changements de notre société, notamment au niveau sociologique, permettent de briser certains tabous, pour la pub est bien plus difficile d’en déterminer les limites. Comment savoir quel est le meilleur équilibre entre la discrimination à l’égard de minorités et la protection des enfants ? Comment faire la différence entre une pudibonderie abusive et une sensibilité sincère ? Comment savoir où se termine la légitimité et où commence la provocation ? Comment respecter la diversité en même temps que les valeurs traditionnelles ? Comment concilier les principes déontologiques des uns et des autres ? Et encore, faut-il respecter certaines sensibilités ou provoquer pour créer une prise de conscience au sein de la société ? Bref, comment la pub peut bien faire en slalomant entre les peaux de bananes ?

Certes, la publicité c’est le réflexe des tendances, des désirs, des besoins et des changements de la société à un moment donné. Et quand les mentalités évoluent, elle bouge avec. Alors pourquoi la dernière affiche de prévention contre le VIH a été interdite à la diffusion ? Il y a de quoi perdre son nord. Le BVP explique que la publicité montrait le couple d’homosexuels faisant l’amour dans une position “hyper sexualisée”, susceptible de choquer l’opinion.

Mais vous pouvez ranger vos œufs pourris. «L’homosexualité ne pose pas de problème, affirme Joseph Besnaïnou, directeur général du BVP, la limite que nous incitons aujourd’hui à respecter est celle de la décence, comme pour l’hétérosexualité » Bref, hétéro ou homo, même combat quand il s’agit de cul. En effet, quel besoin de rentrer dans les détails ou d’aller trop loin quand les petits sont dans les parages ? Et, dans le cas spécifique de la campagne officielle contre le sida, a-t-on vraiment besoin de préciser que les deux mecs ne sont pas là pour jouer à Trivial Poursuit ?

Je ne peux pas m’empêcher de penser à une vieille, magnifique campagne d’Ikéa où les deux garçons essayaient un matelas. Les sentiments passaient à travers leurs regards complices et le spot dégageait une forte sensualité, sans rien montrer. L’implicite aussi peut être très puissant. Une chose est sûre, bien que le monde avance, homosexualité, diversité, religion, racisme, mort et bien d’autres tabous socioculturels restent encore des thèmes sensibles, à manier avec des pincettes. Certains voudraient que la pub reste un miroir, d’autres qu’elle soit le moteur du changement. Que doivent faire les publicitaires, coincés entre création et provocation, tabous et respect de la différence ? Et si Doris Lussier avait raison ? «Quand la vérité n’ose pas aller toute nue, la robe qui l’habille mieux c’est l’humour »

 

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12 réflexions au sujet de “Homo avec humour”

  1. Je n’avais pas compris pourquoi dans la pub Dolce & Gabbana les personnages embrassaient leur double. J’avais pris ça pour du narcissisme. En tout cas, elle ne me choque pas et celle du salon homo non plus, ni les autres. Mais je crois que les jeunes générations sont plus ouvertes à la différence. Je me garderai bien de la montrer à ma grande mère.

  2. Voilà un billet qui va nous diviser, peut-être même que le gens n’oseront meme pas reagir. Vous avez raison les tabous sont à prendre avec des pincettes et il est difficile meme de s’exprimer pour donner son avis. Si je dis que cette pub me derange je passe pour un homophobe. Si je dis que c’est normale qu’elle soit dans le metro, je pense à ma petite fille et d’un coup ça me gene. Au fond je suis pour mais pas n’importe où.

  3. Sur le papier, hetero & homo même combat, celui de la décence.

    En réalité, il y’a encore un gros effort à fournir pour faire accepter la représentation de l’amour homosexuel. En dehors des pub stéréotypées pour des produits de luxe ou cosmétiques, la représentation gay est encore bien limitée.
    Le cabinet carlin international, qui analyse les tendances, prévoit un retour aux tabous. J’espère que la prévision sera bonne. Non pas pour aller encore plus loin dans une dérive publicitaire, mais pour y apporter du sens.

    Votre citation de Lucier est très juste Babette, d’ailleurs elle me rappelle un article lu sur un blog :
    http://www.culture-buzz.fr/blog/...

  4. Eric a raison. Ce n’est même pas une question de tabous mais de bon gout. Entre une pub moche et vulgaire (raibow attitude) et une belle pub élegante, classe comme D&G, la premiere est beark, l’autre c’est un plaisir pour les yeux. Mais je suis directeur artistique….

  5. Merci pou ce billet très intéressant. Le sujet est riche et compliqué à la fois et personne peut y répondre puisque la perception varie selon le sexe, l’âge, le milieu, la ville ou la campagne, Paris ou la Bretagne, s’il s’agit de femmes ou d’hommes, de jeunes ou de seniors. J’ai l’impression, par exemple, que les jeunes les acceptent plus facilement la différence.

  6. Je comprends que Raibow a partagé les gens en deux camps. Je n’ai rien contre la différence, mais est-ce que c’est vraiment nécessaire de s’afficher ?
    Je respecte la différence, je ne juge pas et je comprends, mais le respect doit être réciproque.

  7. Je vous l’accorde JJ.
    C’est le cynisme qui a reprit le dessus, mais je remettais le doigt sur les tabous encore plus vastes que notre imaginaire.

    Le jeu d’esprit, un poil trop capillotracté (je vous l’accorde), avec le billet à propos du greenwashing était confus.

    Néanmoins, ces 2 sujets me laisse pantoise :

    1- Le greenwashing : bien que symbolique, respecte peu ses promesses produits.
    La démarche est consensuelle, et complètement déconnectée.

    2- la représentation des homos dans la pub : un réel propos non symbolique, qui bouscule notre héritage culturel judéo-chrétien de l’interdit.

    Je pensais à une pub, pour de la lessive, qui n’est pas restée longtemps sur nos écrans, où un couple d’homo était representé.

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