Groupama : la Cerise sur le gâteau

Quel est le sujet qui agite aujourd’hui cœurs et claviers ?

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Vous n’allez pas le croire, mais la question existentielle, celle qui allume débats et polémiques, déchaîne des passions et partage les mâles français, c’est :
Mais où est donc passé la Cerise ?

Si vous ne savez pas de quoi je parle, c’est que vous vivez dans une grotte sans radio ni télé ni boîte à lettres. Parce que personne ne peut être passé à côté de la saga Groupama. Ça fait plus de deux ans, que les Français ont suivi le cœur battant les aventures de Cerise, une sorte d’Amélie Poulain myope et maladroite. Un vrai feuilleton où Cerise, petite tête en l’air, écrase ses lunettes, parle à sa voiture, achète une Twingo, la réduit en miettes, rencontre le grand amour et part en voyage avec lui. Un voyage duquel elle n’est jamais revenue. Oui, parce que le 13 janvier, Cerise la brune a disparu sans crier gare pour laisser place à une Cerise blonde, bizarrement vêtue d’une robe à petits pois verts.

Et voilà que l’histoire tourne au clafoutis. Certains consommateurs lancent une pétition à l’attention de Jump, l’agence de communication : Messieurs les publicitaires rendez nous la vrai Cerise. Elle était tout pour nous !… Notre Cerise n’aurait jamais porté une robe blanche à pois verts ! Qu’est-elle devenue la vraie Cerise à lunettes ? Où est-elle ? Vendue aux barbaresques ? Prostituée en Ukraine ? Ou bien pire ASSASSINEE ! Nous espérons qu’elle ne soit pas victime de maltraitances ou d’autres malveillances et que son corps n’ait pas été remis prématurément à la science… »

Une blague ? Evidemment. N’empêche que sur le Net, on commence à réaliser des sondages tandis que les groupes de soutien poussent comme des champignons. Trente-six, rien que sur Facebook, dont le premier « Pour le retour de la vraie Cerise » réunit, tenez-vous bien ! 469 membres. Pendant que sur la blogosphère deux factions s’affrontent à coups de fruits et légumes :
« L’ancienne Cerise était une courge. La nouvelle Cerise a un petit pois dans la tête. La Cerise brune n’a rien dans le chou. La Cerise blonde est une poire qui ramène sa fraise… »

Et même si tout ça c’est du deuxième degré, un tel engouement ainsi que ces réaction hors normes, devraient en faire réfléchir plus d’un. En effet, cette histoire met en évidence l’otite de la pub. Jump, l’agence de pub, et l’annonceur se sont-ils souciés deux minutes des attentes du plublic ? Comment se fait-il qu’à l’époque de l’interactivité, on prend des décisions qui touchent de près le consommateur sans penser à l’interroger ou à lui donner la parole ? Comment veut-on générer un sentiment de complicité avec la marque en ignorant les gens ?

Bien sûr, Jump a succédé à Young & Rubicam. Et qui dit nouvelle agence de pub dit nouvelle stratégie, nouvelle cible, nouvelle signature, nouveau logo, nouvelle musique. Et évidemment, nouvelle Cerise. Donc l’agence a choisi Laura Boujenah, qui incarne une fille dans laquelle beaucoup de femmes peuvent s’identifier. Coiffure et robe asbeen pour en faire une icône facilement mémorisable. En effet, impossible de la rater. Vous en connaissez beaucoup qui se baladent dans une robe blanche à petits pois verts ? Mais les consommateurs auraient peut-être préféré une version « carottes ». Ou alors une robe « cerises », redondante, certes, mais bien plus appétissante.

D’accord, la bagarre dans l’univers compétitif des assurances est dur, dépoussiérer une marque n’est pas évident, mais on n’efface pas une Cerise par une autre, sans rien demander. Et on ne rentre pas chez les gens, pendant plus de deux ans, en faisant du charme, en racontant sa vie, en titillant le côté sentimental pour disparaître sans même pas dire au revoir. On fait quoi de l’affectif ? De la proximité ? C’est que certains s’étaient attachés à la Cerise ! Pourquoi traiter les consommateurs comme simples récepteurs et pas comme des humains ?

Philippe Michel, le visionnaire, avait tout compris. Le cas de Monsieur Marie a fait école. Je fais référence au diabolique Marie, porte-parole de la marque et interprète de la saga du même nom. Ce monsieur a fait irruption sur les écrans en 1986, pour vanter les mérites des plats préparés. «Ce n’est pas parce que c’est déjà fait qu’il ne faut rien faire.» Monsieur Marie, alias Jean-Claude Dreyfus, est un véritable casse-pieds. Il agace, séduit, étonne. L’agence le fait évoluer au fil des années pour qu’il colle aux nouvelles stratégies et à son temps. Et, en 1994, au moment où les ventes patinent, elle mène des études pour vérifier que le personnage ne s’essouffle pas. Résultat : il plaît aux femmes tout en les exaspérant. Et voilà que là où n’importe qui l’aurait viré, Philippe Michel lance un spot interactif dans lequel Monsieur Marie demande aux femmes si elles souhaitent encore le voir à l’écran. C’est la première fois dans l’histoire de la pub qu’on donne la parole aux consommateurs. Ce sont eux qui vont décider de l’avenir du porte-parole de la marque. 6500 appels sont enregistrés. Les consommateurs demandent la conservation du porte-parole de la marque. Le retour de Monsieur Marie est spectaculaire. Et en deux ans, la notoriété des produits surgelés progresse de manière extraordinaire. C’était il y a 12 ans, au moment où le consommateur ne demandait pas la parole et personne ne parlait d’interactivité.

Ceci dit, que vais-je dire maintenant à mon fils qui me demande où est la vraie Cerise et à mon grand père qui bougonne que tout fout le camp ? Il ne me reste qu’à leur chanter « Mais il est bien court le temps des cerises…« 

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16 réflexions au sujet de “Groupama : la Cerise sur le gâteau”

  1. Tout ça fait reflechir au role de la pub et à l’emprise qu’elle a sur les gens.
    Elle est beaucoup plus que de la reclame. C’est pour ça que ceux qui reflechissent en amont dans les agences de pub doivent prendre leur metier au serieux et regarder plus loin que leur nez.

  2. Joli papier en effet, Chère Babette, comme tout ce que vous écrivez et marqué au coin du bon sens. Hélas, ne croyez-vous pas que l’on a bien demandé aux consommateurs, leur avis? Par le truchement de ces prétests qui tuent la bonne créa, la plupart du temps. Et je ne pense pas que Jump qui s’adosse à TBWA se soit privé de ces tue-l’amour. A mon avis la nunuche à pois verts a reçu l’aval des conso parce qu’elle est mignonne et si bien élevée, on voudrait lavoir pour fille, soeur, assistante chef de pub. Oui, elle ne vaut pas l’ancienne Cerise, or on a vu que Groupama a longtemps acheté de la bonne pub à Y&R. Alors, que s’est-il passé? Comme vous, je me perds encore en conjectures.

  3. Que s’est-il passé ? Je pense que c’est vous, Marie, qui détenez la vérité en parlant de ces pre-tests qui tuent la bonne créa.
    Combien de superbes campagnes, celles qui sont gravées à plus jamais dans notre mémoire, n’auraient jamais vu le jour, si on avait fait des pre-tests ?
    Je ne sais plus qui disait, certes, brutalement, mais si justement "Moins de tests et plus de testicules !"…

  4. Cela me fait un peu penser à la non-indépendance de la Presse…

    La Pub est-elle indépendante au niveau de la prise de responsabilité envers ce qu’elle produit et donne à voir à son public ?

    La Publicité, Qui c’est qui l’a créé ?
    – l’agence dite de "conseil en communication" ?
    – Le client-roi représenté par ses disciples-adeptes du ROI ?
    – les basic-instincts de la cible, tantôt audimat, tantôt automate ?

    Qui a le Final Cut au final ?
    Les DA sont-ils "Directeurs" de quelque chose ou "Artistes" de quoi que ce soit au milieu du brouara de la guérilla marketing ?

    Je pense que s’il y avait que des TESTS, Y aurait que du CUL !
    Ce n’est pas que je n’ai pas confiance au genre humain, mais faire des moyennes donnera toujours un résultat moyen.

  5. Tu poses beaucoup de questions, agence Emerveille;) 10 ans dans la pub m’ont appris que : l’agence conseil qui devrait servir à conseiller l’annonceur le fait de moins en moins. Pour ne pas perdre son client elle baisse sa culotte et fait tout ce l’annonceur demande sans brancher. Parfois, certains clients, pour se rassurer, demandent des tests qui servent uniquement à tuer les idées creatives. Certains DA sont des artistes, d’autres pas. Il n’y a pas de cul parce que il n’y a pas que des obsedés et, de toute façon, les tests sont dirigés :"Aimez-vous ce visuel ?" "Ca vous fait penser à quoi ?"….

  6. Chers amis, permettez moi un petit mot sur les commentaires (très classiques!!) cruxifiant les pré tests….
    ma première réaction est d’y voir un profond mépris pour les gens (pas les consommateurs, les gens qui se prêtent au jeu avec toutes leurs antennes, tous leurs neurones, toute leur sensibilité et leur intelligence, tout ce qu’ils sont, en un mot) et en tant que femme d’étude je trouve cette arrogance plus que regrettable
    ma seconde réaction est de me dire que vous n’avez pas encore rencontré les pré testeurs que vous méritez certainement…ceux qui vont vous proposer de vraiment travailler ensemble (mais le voulez vous vraiment?) et qui ne vont pas vous laisser leur faire faire les choses au dernier moment, ce qui ne laisse pas d’autre alternative que de recourir à un formatage décérébré des approches et méthodes!!!!!
    ce qui ne nous éviterait d’avoir à faire face à la question classique en fin de groupe de prétest: Et ils étaient nombreux pour faire ça? Avec son alternative tout aussi classique: Et ils sont payés cher pour faire ça?

  7. Bonjour Catherine, je suis créatif dans une agence de pub et je pense que les pre-test tuent la création. Pensez vous que la campagne Kookay qui a fait un carton, serait sortie si on l’avait testé ? Je reste convaincu qu’on ne peut pas rationaliser des émotions.

  8. J’ai souvent assisté à des pre-tests. Faut-il voir les méthodes qui utilisent certaines boîtes ! Et les questions qu’elles posent au pauvre consommateur sans oublier le formatage décérébré dont vous parlez. N’importe quel humain intelligent qui fait marcher ses neurones à fond, aurait du mal à donner des réponses intéressantes. A question bête… Sans compter qu’il n’est pas dans son cadre habituel et qu’il est payé pour répondre. Je l’ai vu, le pauvre, s’efforcer pour donner des réponses intelligentes à des questions qu’il ne serait jamais posé. C’est évident que cela fausse les réponses. Il est vrai aussi que certaines agences de pub se réveillent à dernière minute, ne donnant pas le temps aux testeurs de mettre en place un questionnaire ad hoc. Mais il ne faut pas tout mettre dans le même sac. Il doit exister des testeurs comme vous, des gens qui demandent à travailler ensemble, mais je n’en ai pas encore rencontré. Je ne serai pas surpris que chez vous on travaille autrement, chère Madame. On voit bien que votre métier vous passionne et que vous prenez les choses à cœur. Ce qui vous honore c’est que vous êtes sincèrement à l’écoute des consommateurs, preuve en est que vous lisez les commentaires.

  9. Merci Arnauld, je vois que nous déplorons les mêmes choses, mais oui, il y a d’autres façons de travailler!
    Je voudrais répondre en un petit mot à Tecktonik qui ne veut pas voir rationnaliser les émotions, et qui a bien raison! Il y a deux modes d’appropriation première d’un objet quel qu’il soit, la rationnalité et l’émotion. Et l’appropriation d’un"objet" publicitaire est clairement du second ordre. Mais les émotions ne sont pas une religion sur laquelle il n’y aurait pas à porter un regard, elles sont une logique "d’être au monde" et peuvent donc être observées et surtout faire l’objet d’une analyse utile et ad’hoc (les travaux scientifiques de ces 20 dernières années l’ont largement démontré). Encore faut-il choisir les bonnes méthodes. cqfd.

  10. Génial, cet article, j’adore.
    Cela me fait penser au client insatiable de la pub MAAF.
    Reprise de la série Palace Palace.
    Malheureusement suite au décès de Philippe Khorsand, nous ne l’entendrons plus dire "Je l’aurai un jour… je l’aurai".
    Et bien l’acteur-client qui l’a remplacé est loin d’être à la hauteur…

  11. C’est hallucinant ce changement de stratégie publicitaire, les premières de groupama étaient vraiment sympa, fille mignonne, pleine de charmes et pétillante, elles étaient travaillées, originales.
    Les nouvelles tellement pénibles à regarder, ennuyeuses, les 2 nouvelles "cerise" à l’opposé de la première, fades, courges et puis cette horrible robe….
    Le paradoxe avec les premières pubs est incroyable, je ne comprends pas comment Groupama a pu acheter les nouvelles pubs et les diffuser.

  12. Excellent billet.
    La 2eme Cerise a déprimé et à donc disparu. Si elle regardait les pub, je la comprends!
    La 3eme n’a pas le charme de la 1ère mais est moins nunuche et fade que la 2eme. Les spots ont moins de piquants même si j’ai pu remarquer que les enfants ont parfaitement assimilé Cerise et Groupama. Les enfants sont-ils devenus prescripteurs d’assurance ? Il faut que je me remette aux études !

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